À mon tour, je veux saluer la qualité du travail que vous avez effectué, monsieur le rapporteur, avec Caroline Yadan.
« On a pensé que la bête était gavée de sang, avec les six millions de juifs morts en Europe. Pas du tout : elle renaît », disait Robert Badinter, qui a dédié une partie de sa vie au combat contre le racisme et l'antisémitisme. Nombreuses sont les personnalités qui ont porté avant nous, dans notre assemblée, la lutte contre l'antisémitisme et le racisme. Vous avez cité les plus éminentes, monsieur le rapporteur. Et pourtant, le combat contre l'antisémitisme et le racisme reste plus que jamais d'actualité et appelle une réponse pénale plus forte, plus ferme.
Les chiffres, rappelés par mes collègues, sont connus. Mais ne nous leurrons pas : ces discours de haine, qu'ils soient tenus en public ou en privé, constituent en réalité une première étape dans la brutalisation de la vie publique. Ils tendent à banaliser une violence qui pourra ensuite être exprimée par un passage à l'acte, pour des délits plus graves ou pour des crimes. Ils sont devenus désormais tellement répandus que l'on ne peut plus attendre que se produisent des atteintes graves à la personne pour prendre de véritables sanctions.
Les faits d'apologie du terrorisme sont en hausse depuis plusieurs années. Ils ont connu une nouvelle progression à la suite des attaques barbares perpétrées par les terroristes du Hamas contre le peuple israélien, d'une part, et du meurtre de Dominique Bernard, d'autre part. Comme le souligne M. le rapporteur, l'année 2023 a été d'une exceptionnelle violence. Depuis le 7 octobre 2023, la haine et les agressions antisémites connaissent une recrudescence particulièrement préoccupante : plus de 1 500 actes antisémites ont été commis en France entre le 7 octobre et le 15 novembre 2023, contre 436 actes de ce type recensés pour l'ensemble de l'année 2022.
Cette double augmentation des attaques antisémites et des infractions qui relèvent de l'apologie du terrorisme s'inscrit dans un contexte de banalisation des discours de haine, tendance inquiétante tant pour la sécurité de nos concitoyens que pour la cohésion de la société, qui nécessite un durcissement et un élargissement de l'arsenal juridique.
Notre droit n'est plus adapté pour faire face à ces formes de violence verbale ou écrite de plus en plus prégnantes dans la société, qui mettent à mal le pacte républicain. Un sentiment d'impunité s'est propagé, notamment du fait de la faiblesse des peines encourues en cas d'injure ou de diffamation non publique, en particulier lorsque ces dernières présentent un caractère discriminatoire. Comment accepter qu'une personne qui en insulte une autre, par courrier, en raison de sa religion ou de son orientation sexuelle, ne puisse faire l'objet que d'une amende de 38 euros ? Les peines doivent être dissuasives, sauf à n'avoir qu'une efficacité très limitée. Certaines personnes, qui sont parfaitement conscientes de ne s'exposer qu'à une contravention, ne mesurent pas les conséquences que peuvent avoir une lettre ou un message privé contenant des injures à caractère raciste, antisémite ou homophobe.
Notre droit doit assumer une fermeté sans faille en la matière. Même dans un cadre non public, de tels propos sont inacceptables. Nous ne pouvons admettre cette violence et en tolérer la banalisation. Le Gouvernement a pris pleinement la mesure de l'urgence à lutter contre les discours de haine, comme l'atteste le plan national de lutte contre le racisme, l'antisémitisme et les discriminations liées à l'origine, lancé le 30 janvier 2023 par la Première ministre Élisabeth Borne.
Convaincu de la nécessité de mieux réprimer les discours de haine, le groupe Horizons a déposé le mois dernier une proposition de loi reprenant l'article visant à délictualiser la provocation à la discrimination, l'injure et la diffamation non publiques, ainsi qu'à créer une circonstance aggravante sur le modèle de la proposition de loi que nous examinons ce matin. La fermeté envers les prédicateurs de haine suppose aussi qu'ils ne puissent échapper au droit commun en matière de recherche, d'interpellation et de mise en détention. Il est intolérable qu'Alain Soral, qui a été condamné à un an de prison au nom du peuple français, ne puisse faire l'objet d'un mandat d'arrêt. Face à l'antisémitisme et au racisme qui empoisonnent notre société, bafouent nos valeurs et abîment notre démocratie, nous devons être intraitables et renforcer notre arsenal législatif.
Pour l'ensemble de ces raisons, les députés du groupe Horizons soutiendront avec conviction la proposition de loi.