Je ne peux commencer cette intervention sans remercier Mathieu Lefèvre et Caroline Yadan pour leur travail et sans citer Robert Badinter, qui a mené une vie de lutte contre le racisme, parmi tant d'autres combats que nous lui devons. « Pour notre part, citoyens juifs de France, attachés indéfectiblement aux valeurs de la République, au nom de tous nos martyrs, nous lutterons sans trêve et par tous les moyens que la loi nous donne contre le racisme et l'antisémitisme, cette lèpre de l'humanité, qui demeure toujours et partout, l'expression de la barbarie », écrivait-il dans une tribune publiée dans Le Monde, le 12 février 2015. Il n'est pas besoin d'être juif ou d'appartenir à une communauté pour en défendre les droits : le principe humaniste et universaliste prévaut.
Nous regrettons ce constat inquiétant de la hausse des actes antisémites et racistes. Sans reprendre tous les chiffres, je rappelle que 281 affaires d'antisémitisme ont été signalées à la cour d'appel de Paris depuis le 7 octobre dernier, et que l'éducation nationale enregistre une explosion de ces faits dans les collèges et les lycées – d'où la nécessité d'agir aussi dans ce domaine.
Si le texte proposé ne pose pas de difficulté particulière, nous pouvons cependant nous interroger sur son efficacité. L'article 1er, qui donne la possibilité de décerner un mandat d'arrêt ou de dépôt contre un prévenu condamné à une peine d'emprisonnement pour contestation ou apologie de crime contre l'humanité, risque d'avoir une application limitée. C'est ce qui ressort des auditions. Est-ce une raison pour ne pas chercher à combler ce vide juridique ? Je ne le pense pas et je comprends l'intention des auteurs de la proposition de loi.
L'article 2 transforme les contraventions d'injure raciste ou discriminatoire non publique en délits. Par son caractère dissuasif important, la contravention a son utilité. Quand on transforme une contravention en délit, je redoute toujours que cela conduise à une forme d'impunité, le délit n'étant pas prononcé. Nous devons prendre la mesure de ce changement. C'est vrai, les injures non publiques proférées dans le cadre d'une communauté d'intérêts augmentent de façon préoccupante et il ne doit pas y avoir d'impunité, mais je ne suis pas sûre que la meilleure façon de lutter contre ce phénomène soit d'en faire un délit. On peut admettre cependant que l'exigence de lutter contre ce fléau justifie ce caractère délictuel.
Nous avons déposé des amendements sur ce point, car si l'on veut passer au délit, il nous semble indispensable d'instaurer aussi des dispositifs de justice restaurative. Dans ces affaires de racisme et d'antisémitisme, il faut mettre les auteurs et les victimes les uns en face des autres : la discrimination tombe alors d'elle-même, faute d'arguments rationnels. Il serait donc très utile de compléter cet article 2 par une obligation de justice restaurative, à condition bien sûr que la victime le souhaite. Enfin, je pense qu'il faut responsabiliser davantage les hébergeurs de sites et les réseaux sociaux.