Intervention de Éric Martineau

Réunion du mercredi 28 février 2024 à 9h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉric Martineau :

Merci de m'accueillir au sein de cette prestigieuse commission des Lois : je suis particulièrement honoré d'y siéger durant quelques heures pour examiner deux textes importants, qui ne sont pas simplement déclaratoires ou symboliques. L'un participe à la lutte contre toute forme de discrimination liée à l'orientation sexuelle, l'autre au dévoiement de la liberté d'expression lorsque celle-ci concourt à la provocation à la haine, à la diffamation ou à l'injure discriminatoire ou antisémite.

Notre démocratie ne peut et ne doit pas trembler face à toutes les formes d'insulte ou de dérision concernant la mémoire des morts de la Shoah, qui sont des crimes majeurs contre l'humanité. La lutte contre toute forme de racisme doit être un combat prioritaire, mené sans relâche partout et par tous. C'est pourquoi nous devons nous féliciter de l'adoption en janvier 2023 du plan national de lutte contre le racisme, l'antisémitisme et les discriminations liées à l'origine 2023-2026, qui s'inscrit dans la continuité de celui de mars 2018. La présente proposition de loi traduit une partie des quatre-vingts actions qu'il définit.

Chaque année, 1,2 million de personnes subissent une discrimination ou une atteinte à caractère raciste ou antisémite, chiffre qui justifie à lui seul la nécessité de mener des politiques publiques ambitieuses et volontaristes en la matière. À l'heure où les réseaux sociaux peuvent être des catalyseurs de haine ou de discours nauséabonds, nous devons avoir à l'esprit que ces propos peuvent engendrer des raids numériques, des agressions physiques ou verbales et des actes de vandalisme – bref, ils sont une rupture dans notre pacte social.

De tels propos ne peuvent avoir droit de cité, à plus forte raison lorsqu'ils sont tenus par des personnes dépositaires de l'autorité publique. Affirmons-le sans difficulté, sans nous en excuser. Affirmons qu'aucune banalisation en la matière n'est tolérable. Affirmons qu'aucune mise à mal de nos valeurs humanistes de tolérance et de respect pour toute femme et tout homme n'est acceptable. Affirmons que nous, législateurs, devons être les gardiens, les vigies en alerte face à toute tentative d'atteinte à cette promesse républicaine. Affirmons que la présente proposition de loi peut être un énième pas dans la lutte sans faille qu'il nous appartient de mener face au racisme et à l'antisémitisme.

L'article 1er permettra au tribunal correctionnel de délivrer un mandat d'arrêt ou de dépôt contre un prévenu condamné à une peine d'emprisonnement pour contestation de crime contre l'humanité ou apologie de crime contre l'humanité ou de crime de guerre. Il s'agit de remédier au vide juridique qui permet à des auteurs de telles infractions de ne pas être inquiétés par la justice. Il est en effet intolérable que des criminels racistes soient protégés par une loi qui protège la liberté de la presse.

L'article 2 vise à transformer en délits les contraventions actuellement prévues en matière de provocation à la discrimination, d'injure et de diffamation à caractère raciste et antisémite lorsqu'elles sont non publiques. Cette disposition permettra de sanctionner plus sévèrement des propos provoquant à la haine, distillés dans le cadre d'une communauté d'intérêts. Il prévoit une circonstance aggravante lorsque l'infraction est commise par une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public, manière de rappeler l'exemplarité sans faille attendue dans ce cas.

S'il est heureux de se doter d'un cadre normatif solide, il ne faut pas croire que la seule augmentation du quantum des peines permettra de venir à bout du phénomène. Ne négligeons pas les autres axes du plan gouvernemental : l'éducation et la prévention. À cet égard, nous pouvons saluer tous les acteurs institutionnels ou associatifs qui agissent en ce sens. Si la justice incarcère, elle doit aussi réparer et contribuer à renouer le dialogue. Il y va de la concorde nationale.

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