Intervention de Nadège Abomangoli

Réunion du mercredi 28 février 2024 à 9h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaNadège Abomangoli :

« La race n'existe pas, mais elle tue. » « La race n'existe pas, pourtant elle est partout. » Ces mots sont ceux de la sociologue française Colette Guillaumin dans L'Idéologie raciste, ouvrage publié en 1972. Quarante ans plus tard, la Défenseure des droits s'alarme car la discrimination raciste ne fait l'objet d'aucune politique publique d'ampleur.

Pourtant, le venin du racisme et de l'antisémitisme est partout. Des millions de citoyens sont exclus de la société et mis en danger dans leur intégrité physique et même morale. Les personnes d'origine étrangère ou perçues comme telles, les personnes assignées à une prétendue appartenance raciale sont davantage exposées au chômage ou à la précarité sociale et sanitaire. Année après année, le nombre d'actes et propos racistes et antisémites explose : le service statistique du ministère de l'intérieur et des outre-mer rapporte en 2023 une hausse de 13 % par rapport à 2019, alors même que de nombreux cas sont tus.

Malheureusement ce texte prend le problème à l'envers : à quoi bon mettre l'accent sur le renforcement de la réponse pénale quand les victimes ne peuvent même pas porter plainte et ne trouvent ni écoute, ni débouché judiciaire ? Encore et toujours, vous pensez inflation pénale, vous abordez la fin du processus quand il n'est même pas encore enclenché.

Je pense aux propos et actes non déclarés, le fameux « chiffre noir » : les victimes estiment que justice ne sera pas rendue, que les procédures seront trop lourdes ; elles savent que les faits sont trop souvent minimisés, que leur caractère raciste ou antisémite est maintes fois contesté lors des dépôts de plainte. Pire, la transformation des contraventions en délits va emboliser les tribunaux et rallonger les procédures dans un système judiciaire aux moyens insuffisants. Lors des auditions, nous avons d'ailleurs pu constater que les professionnels de la justice étaient majoritairement sceptiques.

Le plan national de lutte de 2023 est déjà un catalogue de mesurettes sans ambition, alors que le phénomène est systémique. La Défenseure des droits, que vous n'avez pas auditionnée, ne dit pas autre chose. De fait, les résultats ne sont pas au rendez-vous. Face au racisme structurel, il faut installer un antiracisme structurant, qui passe par la fin du déni sur les causes historiques et structurelles du racisme et de l'antisémitisme. Je pense à cette tendance réactionnaire, répandue de l'extrême droite à la minorité présidentielle, qui caricature les antiracistes en wokistes, voire en racistes ou en racialistes, leur tort étant d'oser aborder frontalement les impasses d'un universalisme théorique et exclusif qui ne résiste pas à la réalité.

Oui, dans notre République, certaines politiques publiques ont entretenu et entretiennent encore des traitements différenciés. L'adoption de votre loi sur l'immigration, avec ses logiques nauséabondes de préférence nationale, est, selon une députée Renaissance, une victoire idéologique offerte « sur un plateau » au RN. Vous tentez désormais de vous racheter une conscience. À La France insoumise, nous appelons à la réalisation de notre idéal républicain, réellement universaliste et donc réellement antiraciste. Nous voulons un commissariat à l'égalité et un code de la discrimination, des moyens pour la Défenseure des droits, un accompagnement sérieux des victimes, un plan ambitieux au sein des institutions et des services de l'État, dans l'éducation, dans les médias, la culture et la recherche, afin d'éradiquer le racisme et l'antisémitisme. Il y a 1,2 million de personnes de plus de 14 ans qui déclarent avoir été victimes d'au moins une atteinte à caractère raciste. Êtes-vous prêts à agir réellement pour elles ?

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