Intervention de Caroline Yadan

Réunion du mercredi 28 février 2024 à 9h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCaroline Yadan :

Selon la Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH), 1,2 million de personnes en France subissent au moins une atteinte à caractère raciste, antisémite ou xénophobe chaque année. Pour 2023, le constat est beaucoup plus alarmant du fait de l'explosion qui dépasse les 1 000 % des actes et des propos antisémites, en lien avec l'attaque terroriste du Hamas du 7 octobre 2023 en Israël. La haine de l'autre s'exprime sur les murs de nos rues, dans nos universités, sur les réseaux sociaux, mais aussi dans la sphère privée, au travail ou à l'école. Pourtant, la réponse pénale n'est pas toujours adaptée.

Le 15 avril 2019, la treizième chambre du tribunal correctionnel de Paris condamnait l'essayiste d'extrême droite Alain Soral à une peine d'un an de détention, assortie d'un mandat d'arrêt, pour contestation de crime contre l'humanité. Cette décision aurait dû mettre un terme à l'impunité de ce triste personnage, sanctionné à de multiples reprises pour des faits similaires. Il n'en a rien été. Le parquet a interjeté appel du mandat d'arrêt, estimant qu'il était dépourvu de fondement juridique. En effet, l'article 465 du code de procédure pénale ne prévoit la possibilité de décerner un mandat d'arrêt que s'il s'agit d'un délit de droit commun ou d'un délit d'ordre militaire et si la peine prononcée est au moins d'une année d'emprisonnement. En l'espèce, le prévenu avait été condamné pour une infraction non de droit commun, mais prévue et réprimée par l'article 24 bis de la loi de du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, ce qui rendait l'exécution de ce mandat d'arrêt contraire à la loi. Ce vide juridique profite à de nombreux auteurs d'infractions graves à caractère raciste ou antisémite.

Pour mieux lutter contre ces faits, pour préserver notre pacte républicain et protéger nos concitoyens, la sanction pénale doit être plus efficace. Concrètement, l'enjeu de cette proposition de loi est de pouvoir sanctionner les idéologues qui sévissent notamment sur les réseaux sociaux sur internet – ces multirécidivistes qui sont rarement présents à leurs audiences et vivent à l'étranger pour échapper à leur condamnation, comme les sieurs Ryssen, Reynouard, Le Lay ou encore M'bala M'bala, pour ne citer que les plus sinistres d'entre eux. L'article 1er du texte de loi vise donc à permettre l'exécution immédiate de la peine d'emprisonnement par l'émission d'un mandat d'arrêt ou de dépôt, en cas d'infraction grave à caractère raciste ou antisémite.

En l'état actuel du droit, l'injure, la diffamation et la provocation à la haine à caractère raciste, antisémite, sexiste ou homophobe, lorsqu'elles sont non publiques, constituent une contravention de cinquième classe, qui expose son auteur à une peine maximale de 1 500 euros d'amende. Quand elles sont publiques, ces mêmes infractions à caractère discriminatoire sont punies d'un an d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende. Dans la pratique, la différence entre le caractère public ou non public est très ténue. Des propos répréhensibles sur un groupe WhatsApp peuvent, selon les cas, être considérés comme publics ou non publics. L'impact sur la victime, lui, est toujours violent. Dans l'article 2, nous proposons donc de transformer les provocations, injures et diffamations non publiques en délit, et de prévoir une circonstance aggravante lorsque ces infractions sont commises par des personnes dépositaires de l'autorité publique ou chargées d'une mission de service public.

Le groupe Renaissance proposera plusieurs amendements. Le premier vise à élargir le champ d'application de la loi. Le deuxième prévoit la possibilité pour certaines associations d'ester en justice pour les infractions prévues par l'article 2 de la proposition de loi. Le troisième et dernier propose de transformer la contestation et l'apologie non publiques de crime contre l'humanité en délits.

Notre groupe votera naturellement en faveur de cette proposition de loi, inspirée du dernier plan de la délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l'antisémitisme et la haine anti-LGBT (Dilcrah). Je tiens à saluer le travail de grande qualité effectué par Mathieu Lefèvre sur ce texte que j'ai l'honneur de défendre à ses côtés.

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