Un peu plus de quarante ans après la loi du 4 août 1982 dépénalisant définitivement l'homosexualité, le groupe Horizons et apparentés se félicite que le groupe Socialiste, écologiste et républicain du Sénat ait pris l'initiative de cette proposition de loi portant réparation des personnes condamnées pour homosexualité entre 1942 et 1982. Je salue à cet égard la présence dans les tribunes du sénateur Hussein Bourgi.
Ce texte présente un intérêt symbolique majeur et essentiel : celui de reconnaître officiellement la répression judiciaire dont ont été victimes les personnes homosexuelles.
La France a été pionnière en dépénalisant l'homosexualité en 1791, au lendemain de la Révolution française, devenant ainsi l'un des pays les plus progressistes en la matière.
En août 1942, le régime de Vichy rétablissait une discrimination fondée sur l'orientation sexuelle et battait en brèche cette avancée essentielle en instaurant une majorité sexuelle de 21 ans pour les homosexuels, contre 13 ans pour les hétérosexuels. Cette discrimination légitima jusqu'à la fin de la guerre la persécution, l'arrestation et la condamnation de dizaines de milliers d'hommes dans notre pays. Quelques centaines d'entre eux furent, hélas, déportés depuis la France vers les camps de rééducation et de concentration.
Ce n'est que quarante ans plus tard, à l'initiative du garde des sceaux, Robert Badinter, du député Raymond Forni et de la rapporteure Gisèle Halimi que la majorité sexuelle discriminante héritée de Vichy fut abrogée.
Le temps est venu de reconnaître la responsabilité de la nation dans cette discrimination insupportable. Nous saluons à ce titre la réécriture, adoptée en commission des lois, de l'article 1er : la République française ne peut être tenue pour comptable des agissements du régime de Vichy.
Dans le même esprit, notre groupe estime que la commission des lois a eu raison de ne pas réintroduire l'article 2 supprimé au Sénat, qui créait un délit de contestation ou de minoration outrancière de la déportation des personnes homosexuelles depuis la France pendant la seconde guerre mondiale. Consacrer ce délit reviendrait à considérer qu'il n'est pas couvert par le délit de négationnisme. Or le statut du tribunal militaire appelé à juger les crimes commis par les nazis, dit tribunal de Nuremberg, cite expressément la déportation dans son ensemble, que celle-ci ait concerné les Juifs, les communistes, les résistants, les Tziganes ou les homosexuels, comme constitutive d'un crime contre l'humanité. La négation de la déportation entre de ce fait dans le cadre de l'article 24 bis de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.
J'en viens à la réparation financière. Outre le fait qu'elle nous semble complexe à appliquer, nous pensons que les pays ayant créé de tels systèmes d'indemnisation se trouvent dans une situation très différente de celle de la France.
Le rapporteur le rappelait, nous assistons à une recrudescence inquiétante des actes anti-LGBT : depuis 2016, les crimes et délits anti-LGBT ont doublé et il semblerait que ces chiffres soient largement sous-estimés puisque seules 20 % des victimes de menaces ou de violences anti-LGBT portent plainte, chiffre qui chute à 5 % en cas d'injures. À l'heure où ces discriminations se multiplient, cette proposition de loi est porteuse d'un message important et nécessaire : la nation se tient à vos côtés.
Le groupe Horizons et apparentés soutient donc cette proposition de loi et souhaite rappeler, en ce lieu si particulier, les mots qu'avait prononcés Robert Badinter à l'époque : « La discrimination, la flétrissure qu'implique à leur égard l'existence d'une infraction particulière d'homosexualité les atteint – nous atteint tous – à travers une loi qui exprime l'idéologie, la pesanteur d'une époque odieuse de notre histoire. »
Cette semaine de mars restera, après le vote de lundi et, je l'espère, celui de ce soir, mémorable.