Après la Shoah, on pensait que la bête avait été gavée de sang ; et pourtant, elle renaît – Robert Badinter nous avait mis en garde au soir de sa vie. « Heureux comme un juif en France », disait le dicton. Est-ce toujours le cas ? Je ne veux pas ici noircir le tableau ou jouer les Cassandre : la France protège et continuera de protéger les Français de confession juive et je connais, monsieur le garde des sceaux, votre détermination et celle du Gouvernement comme des gouvernements précédents. Les plans nationaux de lutte contre le racisme, l'antisémitisme et les discriminations se succèdent.
Néanmoins, force est de constater que, malgré les mesures que nous avons prises, malgré l'engagement et la détermination de nos policiers, gendarmes et magistrats, nous avons encore du chemin à faire pour lutter contre les discours de haine et les actes de violence. Par conséquent, je veux saluer la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui et vous remercier, monsieur le rapporteur, pour le travail que vous avez mené avec notre collègue Caroline Yadan.
Cette proposition de loi n'est pas la réponse miracle ou absolue qui mettrait fin à l'histoire pluriséculaire de l'antisémitisme et du racisme, mais elle apporte une pierre sur ce long chemin. Dans ce combat, nous devons laisser de côté les positions partisanes, les clivages politiciens et les postures ineptes. Dans ce combat, la représentation nationale doit se retrouver dans toute son unité et dans toute sa force.
En effet, à côté des actes antisémites et racistes publics, il en existe des plus pernicieux, des plus insidieux, des plus lâches ; des actes qui ne sont pas publics, qui sont tapis dans un courrier, dans une lettre. Face aux discours de haine, nous devons apporter une réponse pénale ferme et implacable. Comment accepter que les courriers antisémites odieux adressés à la présidente de notre assemblée ne fassent l'objet que d'une contravention de quelques dizaines d'euros ?
Les discours de haine, qu'ils soient tenus en public ou en privé, constituent toujours une première étape dans la brutalisation de la vie publique. Ils tendent à banaliser une violence qui pourra ensuite s'exprimer par un passage à l'acte, dans le cadre de délits plus graves ou de crimes. Ils sont désormais tellement répandus que l'on ne peut plus attendre que se produisent des atteintes graves à la personne pour prendre de véritables sanctions.
Je le dis solennellement : nous devons mettre fin à tout sentiment d'impunité en la matière. C'est indispensable pour enrayer ce phénomène très inquiétant. Or l'état du droit – certains l'ont rappelé – n'est plus adapté pour faire face à ces formes de violence verbale ou écrite de plus en plus prégnantes dans la société, qui mettent à mal le pacte républicain.
Notre droit doit assumer une fermeté sans faille en la matière : même dans un cadre non public, de tels propos sont inacceptables. Nous ne pouvons accepter cette violence et en tolérer la banalisation. Je me réjouis des dispositions adoptées en commission des lois et, plus encore, du fait que le travail mené par nombre de députés ait permis, par exemple, de délictualiser la contestation et l'apologie non publiques de crimes contre l'humanité.
Enfin, comme vous le savez, mon groupe est très attaché à la justice restaurative. C'est d'ailleurs à l'initiative de ma collègue Naïma Moutchou que nous avions adopté une disposition en ce sens, lors de l'examen de la loi d'orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027 (LOPJ). Je salue également l'adoption en commission de la disposition défendue par notre collègue Untermaier.
Si la réponse pénale n'est pas le seul moyen de lutte contre le racisme et l'antisémitisme, il en est un instrument essentiel et nécessaire. Vous l'aurez compris, le Groupe Horizons et apparentés soutiendra donc cette proposition de loi avec conviction et détermination.