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Intervention de Cécile Untermaier

Séance en hémicycle du mercredi 6 mars 2024 à 14h00
Renforcement de la réponse pénale contre les infractions à caractère raciste antisémite ou discriminatoire — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCécile Untermaier :

« Soixante-dix ans se sont écoulés depuis la nuit de l'Occupation. […] Et l'antisémitisme est toujours vivant. […] La tâche est immense et l'enjeu considérable. Car il en va de l'antisémitisme comme du racisme. Ce sont des poisons de la République. À une certaine dose, elle en meurt. » Tels étaient les mots de Robert Badinter, au soir de sa vie, sur ce fléau contre lequel il a lutté sa vie durant.

Il n'est pas besoin d'appartenir à une communauté pour en défendre les droits. Les principes humanistes et républicains prévalent.

Les crispations identitaires se développent ; le racisme et l'antisémitisme s'expriment à découvert. La France est menacée par ces comportements séparatistes. Renouveler l'universalisme, au-delà des religions ou des origines, doit se faire dans notre République, dans la fraternité qui signifie l'accueil et l'ouverture, et non le repli.

Nous sommes tous préoccupés par la hausse importante des actes antisémites et racistes : 14 930 plaintes ont été déposées pour ces actes en 2023, soit une augmentation de 18 % par rapport à 2022 ; 129 condamnations ont été prononcées pour menaces et 112 pour atteintes aux biens en 2023. Depuis le 7 octobre dernier, 281 affaires ont été signalées à la cour d'appel de Paris. L'éducation nationale enregistre une explosion de ces faits dans les collèges et lycées : il est nécessaire d'agir sur ce front, comme je l'ai signalé en commission des lois.

Le texte entend combler des vides juridiques qui empêchent une répression plus dissuasive des infractions à caractère raciste ou antisémite, plus particulièrement s'agissant des injures non publiques. S'il ne pose pas de difficulté et si nous soutenons toute mesure permettant de combler les trous dans la raquette, selon l'expression consacrée, nous nous interrogeons toutefois sur la capacité du dispositif à répondre efficacement à ce phénomène ; c'est notre travail de législateur.

L'article 1er , dont le champ a été élargi en commission et qui donne au tribunal correctionnel la possibilité de délivrer un mandat d'arrêt ou de dépôt contre un prévenu condamné à une peine d'emprisonnement pour contestation ou apologie de crimes contre l'humanité, risque d'avoir une application limitée, selon ce que j'ai cru comprendre en audition. Ce dispositif impliquera l'émission d'un mandat d'arrêt international, les auteurs de telles injures se trouvant majoritairement à l'étranger. Les États tiers pourront refuser de le délivrer, les délits d'opinion étant exclus des mandats d'arrêt internationaux. La qualification des injures publiques en délit d'opinion dépendra de chaque État. Par ailleurs, les juristes spécialistes craignent un potentiel usage dévoyé de cette disposition. Malgré ces réserves, l'article me semble répondre ponctuellement à une situation intolérable qui appelle une action de cette nature.

L'article 2, qui transforme en délits les contraventions d'injures racistes ou discriminatoires non publiques, aurait un effet dissuasif plus important. Nous savons, hélas, que les aggravations de peine n'ont pas cet effet. Si les injures et provocations non publiques sont intolérables, les injures publiques sont plus préoccupantes encore. C'est un phénomène de masse qui abîme notre système démocratique. À titre personnel, je considère que la hiérarchie établie entre la contravention, pour la sphère privée, et le délit, pour la sphère publique, était utile au fond, comme pour les procédures à mettre en œuvre ; cependant, la justice restaurative, introduite par les rapporteurs, donne un sens à ce passage au délit.

Nous savons qu'il faut responsabiliser davantage les hébergeurs de sites et les réseaux sociaux, qui ont une responsabilité énorme dans la diffusion des injures, en renforçant la veille opérée par Pharos, la plateforme d'harmonisation, d'analyse, de recoupement et d'orientation des signalements. Le plan national de lutte contre le racisme, l'antisémitisme et les discriminations propose ainsi de créer un guichet unique pour faciliter le traitement des signalements. Nous ne pourrons avancer qu'avec le concours de l'exécutif sur ce point.

Enfin, dans la continuité de l'adoption en commission de notre amendement prévoyant la proposition systématique de la justice restaurative aux deux parties dans les cas d'injures non publiques, nous avons proposé un dispositif similaire pour les injures publiques, lequel constitue un premier pas, même s'il a été écarté pour irrecevabilité. Nous devons parvenir à la mise en cohérence d'un dispositif global de justice restaurative pour combler le fossé intellectuel immense constitué par le racisme et l'antisémitisme.

1 commentaire :

Le 08/03/2024 à 22:15, Aristide a dit :

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" À une certaine dose, elle en meurt. » Tels étaient les mots de Robert Badinter, au soir de sa vie, sur ce fléau contre lequel il a lutté sa vie durant."

Badinter n'a rien dit contre l'exclusion anti-laïque et raciste des filles voilées des écoles.

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