Intervention de Éric Coquerel

Séance en hémicycle du jeudi 29 février 2024 à 15h00
Réduire et encadrer les frais bancaires sur succession — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉric Coquerel, président de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire :

Revoilà donc les frais bancaires ! Je dis « revoilà donc », malheureusement, tant le sujet semble inépuisable dès lors qu'on laisse les banques travailler à leur gré – un vrai scandale selon moi.

Avant de commencer l'examen de ce texte, il me semble important de contester d'emblée l'argument souvent avancé par les banques lorsqu'il est envisagé d'encadrer leurs pratiques. Contrairement à ce qu'ils prétendent, ces établissements ne nous rendent pas service en gérant notre argent, mais font tout le contraire : grâce aux fonds que nous mettons à leur disposition, ils dégagent des profits toujours plus importants. Je rappelle que les cinq plus grandes banques françaises ont enregistré près de 27 milliards d'euros de bénéfices en 2023, lesquels ont ensuite été majoritairement reversés à leurs actionnaires.

Je considère alors qu'il est injuste qu'une partie de ces profits soient constitués grâce aux frais astronomiques que facturent les banques à leurs clients pour des services qui sont toujours plus infimes. Nous autorisons les banques à s'enrichir par un impôt privé, qui se nourrit de la détresse de nos concitoyens. Une étude de l'Union nationale des associations familiales (Unaf) et de 60 Millions de consommateurs révélait en 2017 qu'environ 7 milliards d'euros étaient prélevés au titre de ces frais bancaires. Cette somme, qui était alors loin d'être dérisoire, est assurément plus élevée aujourd'hui et, hasard du calendrier, le Comité consultatif du secteur financier (CCSF) a publié hier une autre étude, annonçant que les frais bancaires repartiront à la hausse en 2024.

L'augmentation de la pauvreté fait également les affaires des banques : selon le baromètre d'Ipsos et du Secours Populaire de 2023, 18 % de la population vit – ou plutôt survit – à découvert, soit autant de personnes indûment taxées par les banques. Les plus pauvres ne sont pas les seuls concernés, mais ce sont eux qui font face aux factures les plus importantes. Dégager des recettes de cette manière est non seulement absurde et injustifié, mais implique également des sacrifices pour un nombre croissant de citoyens. Disons-le : la conséquence d'un tel fonctionnement est qu'une partie des aides publiques est indirectement captée par les banques et leurs actionnaires, qui profitent de la précarité croissante de nos concitoyens. Lors d'une journée d'initiative parlementaire du groupe La France insoumise, j'avais défendu en 2020 la proposition de loi de mon collègue Alexis Corbière, qui visait à plafonner les frais bancaires. Malheureusement, je constate que l'adoption d'un tel texte reste nécessaire, puisque leur tendance haussière ne semble toujours pas vouloir s'inverser.

Une partie des frais bancaires sont prélevés dans le cadre de successions. Ainsi, plus de 300 euros peuvent être facturés sur un héritage de 5 000 euros. Au total, les frais bancaires sur succession ne représentent certes que 150 millions d'euros, soit 2,15 % des 7 milliards d'euros empochés par les banques, mais cette ponction est injuste, puisqu'elle se rapproche d'un impôt privé sur l'héritage, qui touche indistinctement les petites et les grandes successions. Elle n'est d'ailleurs pas proportionnelle aux sommes transmises.

L'encadrement de telles pratiques relevant du bon sens, pour reprendre une expression chère aux macronistes, la suppression de ces frais devrait aisément faire consensus – j'observe que c'est aussi le souhait de Mme la ministre – et ne remettrait pas en cause les résultats extraordinaires des banques. Il ne suffit toutefois pas de leur demander de modérer leurs frais, comme s'en est contenté le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique : les établissements bancaires n'ont évidemment pas joué le jeu – pire, certains d'entre eux ont même augmenté le niveau de leurs prélèvements. Après ce premier avertissement, il est temps de les obliger, sinon cette situation choquante n'est pas près de disparaître. Seule une injonction par la loi permettra un encadrement protégeant les petites successions, c'est-à-dire le peu que possèdent ceux qui ont le moins.

Christine Pires Beaune, je le crois, en conviendra : ce texte aurait pu être plus ambitieux et proposer un encadrement plus ferme encore.

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