Intervention de Didier Paris

Réunion du mercredi 7 février 2024 à 9h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDidier Paris :

Madame la rapporteure, je salue la qualité de votre travail sur ce sujet difficile que vous suivez depuis plusieurs années.

Le phénomène des sectes n'est évidemment pas nouveau : nous nous souvenons probablement tous des soixante-quatorze suicides collectifs de l'Ordre du temple solaire et des noms de Jo Di Mambro et de Michel Tabachnick. Sans atteindre forcément ce paroxysme, il est clair que les pratiques sectaires se sont développées, renforcées, et qu'elles sont devenues protéiformes. Elles touchent toutes les catégories sociales, tous les âges, tous les milieux. Elles ont sans aucun doute été accentuées par les crises sanitaires, qui nous ont amené leurs lots de complotistes et de gourous pseudo-scientifiques autoproclamés.

Si un certain nombre de ces dérives prospèrent encore sur des fondements religieux, ces derniers sont manifestement remplacés par des prétentions nouvelles touchant à la santé, à l'alimentation, au coaching ou à la formation – autant de thématiques qui constituent de véritables fonds de commerce. Il va de soi que le développement des réseaux sociaux et de la communication, par voie de presse ou en ligne – c'est l'un des éléments déterminants de ce texte – donne à ces manœuvres une audience bien plus large tout en fragilisant une partie de nos concitoyens qui, sur la toile, ne se voient que très rarement offrir des repères contradictoires ou des approches critiques.

Ce phénomène, qui ronge le lien social, est encore assez mal connu, souvent difficile à circonscrire et assez mal appréhendé par la loi. La loi About-Picard évoquée par notre rapporteure visait essentiellement à réprimer l'abus de faiblesse par la sujétion psychologique. Tout l'enjeu du présent projet de loi est d'actualiser et de durcir la lutte contre les dérives sectaires, sans pour autant méconnaître, comme nous y invite clairement le Conseil d'État, sous le contrôle du juge constitutionnel, la liberté d'expression et de conscience, qui inclut la liberté de contester des pratiques thérapeutiques, la liberté des débats scientifiques et des lanceurs d'alerte, la liberté de recourir à des soins non conventionnels et même celle de refuser un traitement. Ce projet de loi doit améliorer notre cadre répressif, la prévention des risques, la formation des acteurs et l'information de nos concitoyens tout en facilitant la libération de la parole. Il s'appuie sur les récentes assises nationales de la lutte contre les dérives sectaires.

Pour toutes ces raisons, notre groupe soutiendra pleinement la volonté politique du Gouvernement et le projet de loi qui la concrétise, même si le dernier remaniement nous prive d'interlocuteurs au sein de l'exécutif pour le moment. Un certain nombre de dispositions pourront sans doute faire l'objet d'un travail complémentaire d'ici à la séance. Cependant, nous sommes en désaccord avec le Sénat, qui a supprimé les articles visant à ériger la sujétion physique et psychologique en délit autonome, à créer un certain nombre de circonstances aggravantes, ainsi qu'à réprimer la provocation à l'abandon ou l'abstention de soins et à l'adoption de pratiques qui exposent manifestement un individu à un risque sanitaire grave et immédiat. Nos collègues sénateurs ont estimé que le projet de loi comportait trop de mesures répressives, ce qui était source de confusion ; nous considérons à l'inverse que l'aggravation des pratiques et du contexte des dérives sectaires nécessite, comme l'ont indiqué tous nos interlocuteurs, une réponse pénale spécifique et renforcée. Nous voterons donc ce texte, sous réserve des évolutions que je viens d'évoquer.

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