En commission, nous avons croisé le fer à propos de l'article 3, et notre désaccord reste entier. Laissez-moi rappeler ce dont il s'agit : l'article vise à modifier la nature des associations autorisées à se constituer partie civile dans les affaires touchant aux dérives sectaires. Actuellement, les associations doivent pour cela être reconnues d'utilité publique. Une seule association est concernée en pratique : l'Union nationale des associations de défense des familles et de l'individu victimes de sectes (Unadfi), qui s'acquitte parfaitement de sa mission depuis des années.
Par cet article, vous souhaitez substituer aux associations reconnues d'utilité publique (Arup) les associations disposant d'un agrément. Nous nous opposons à cette modification profonde du droit ; nous ne sommes d'ailleurs pas les seuls, car le professeur Philippe-Jean Parquet, auditionné par la commission, et le Conseil national des barreaux (CNB), dans sa résolution sur le projet de loi, ont émis d'importantes réserves quant à cet article, qui fait l'objet d'une contestation assez générale, pour plusieurs raisons.
Premièrement, l'Unadfi faisant bien le boulot, pourquoi l'évincer ? Deuxièmement, le passage d'une reconnaissance d'utilité publique à un agrément signifie que la capacité de se constituer partie civile sera désormais accordée aux associations de manière discrétionnaire, et pourra donc l'être pour des raisons partisanes. La liste des associations disposant d'un agrément risque ainsi d'être renouvelée à chaque alternance politique. Nous refusons de subordonner la lutte contre les dérives sectaires à la couleur politique du gouvernement en place.
D'ailleurs, ce type de réforme affaiblit l'idée même de la reconnaissance d'utilité publique. En effet, une association de lutte contre les dérives sectaires a aujourd'hui intérêt à obtenir cette reconnaissance, mais cela ne sera plus le cas si l'article est adopté ; il lui suffira de s'appuyer sur les bons réseaux et de connaître les bonnes personnes pour obtenir un agrément. Nous ne sommes pas d'accord avec cette manière de faire.
Enfin, cette mesure s'inscrit dans un mouvement général, ni utile ni bienvenu, de substitution des associations au ministère public en matière de poursuites judiciaires.
Pour toutes ces raisons, nous espérons la suppression de l'article 3, qui constitue un danger pour les libertés.