Il y a une urgence absolue à légiférer en matière de droit à l'image des enfants. Quelques chiffres déjà cités le confirment : en moyenne, un enfant apparaît sur 1 300 photographies publiées en ligne avant d'avoir atteint l'âge de 13 ans ; 50 % des photos qui s'échangent sur les sites pédopornographiques ont d'abord été publiées par les parents ; 43 % des parents publient en ligne des photos de leur enfant ; sur les sites pornographiques, les recherches les plus fréquentes portent sur ces photos ; 40 % des adolescents considèrent que leurs parents les exposent exagérément sur les réseaux sociaux.
En effet, une simple photo peut entraîner bien des effets néfastes, comme leur partage ou leur utilisation par des personnes très mal intentionnées, mais aussi des faits de harcèlement ou des courses aux likes. Les adolescents branchés sur leur smartphone plus de cinq heures par jour ont ainsi 66 % de chances supplémentaires de souffrir de symptômes suicidaires que ceux qui ne consacrent qu'une heure par jour aux écrans.
Les réseaux sociaux sont à la source de nombreuses conséquences néfastes et, rappelons-le, les propriétaires de ces plateformes n'ont absolument aucun intérêt à davantage les réguler. Les utilisations frauduleuses d'images ou sans le consentement des personnes concernées ou encore le harcèlement génèrent des clics, les clics des publicités, et les publicités de l'argent. Le visage d'un enfant ou encore une photo de lui sur une plage nourrit une mécanique implacable de cash et de non-respect de la dignité.
La présente proposition de loi affirme que les enfants ne sont pas des sous-citoyens et qu'ils ont des droits, notamment à la vie privée, et permet de renforcer le respect de ces droits. Pour cette raison, le groupe Écologiste soutiendra ce texte.
À cet égard, nous nous réjouissons que le texte qui nous est soumis ait retenu la version de l'article 5 que mon collègue Jérémie Iordanoff avait suggérée et qui a été adoptée. Les dispositions prévues à cet article renforcent les prérogatives de la Cnil pour pleinement garantir le respect de la vie privée des enfants, ce qui, je le répète, nous semble particulièrement important. Nous espérons que vous aurez la sagesse de conserver cet article en l'état et que vous donnerez à la Cnil les moyens de mener des contrôles. Ici réside en effet la question principale, car s'il convient de légiférer, encore faut-il ensuite que les services chargés d'assurer la sécurité des enfants disposent de suffisamment de personnels et de matériels et bénéficient de formations pour être efficaces.
Enfin, je rappelle que la santé mentale des 16-25 ans se dégrade dans des proportions inédites. Les pensées suicidaires, les tentatives de suicide et les suicides sont deux fois plus fréquents qu'avant la crise du covid. Les jeunes se livrent parfois une guerre de réputation sans merci sur les réseaux sociaux, laquelle contribue à dégrader la santé de nos enfants.
Face au fléau que je viens de décrire, cette proposition de loi représente une première étape, mais elle ne dépassera pas le stade des intentions si elle ne s'accompagne pas d'actions de prévention, de formation, de détection, ainsi que de recrutements pour lutter contre les mauvaises utilisations des images et des vidéos diffusées par les parents, les proches, les encadrants et les enfants eux-mêmes. Incontestablement, nos enfants valent davantage que des clics.