Je remercie M. Pradal d'avoir rappelé que la mise à disposition de fractions du réseau routier national non concédé au bénéfice des régions a été introduite dans la loi 3DS à la demande unanime de Régions de France, toutes régions et toutes sensibilités politiques de leurs présidents confondues, ces derniers indiquant – je le rappelle à l'intention de M. Léaument – qu'ils étaient interpellés chaque jour à propos du mauvais état de certaines parties de ce réseau. J'aurais aimé, monsieur Léaument, que vous soyez, comme moi, conseiller régional depuis neuf ans et interpellé vous aussi quotidiennement, à propos, par exemple, du mauvais état de la route nationale 4 – qui est l'une des routes les plus empruntées entre l'Est de la France et Paris –, notamment entre Stainville et Châlons-en-Champagne, dans le Grand Est. Vous vous seriez trouvé dans la même situation d'impuissance que les élus locaux : auriez-vous renoncé à la capacité d'agir si elle vous était donnée ou si vous pouviez vous en saisir ? L'honneur de la politique consiste à faire ce qu'il faut et à bien entretenir le patrimoine public.
Je remercie à ce propos l'oratrice du groupe de la Gauche démocrate et républicaine d'avoir rappelé qu'à quelques exceptions près, la quasi-totalité de notre réseau routier est déjà gérée par des collectivités territoriales, et que la nouveauté concerne des axes de très longue distance, qui traversent plusieurs départements et dont il convient, par souci de cohérence, de ne pas confier la gestion par petits bouts à différents départements. Je rappelle en outre que les régions sont également compétentes en matière de transport interurbain et de ferroviaire, donc de multimodalité, et qu'elles sont de plus en plus nombreuses à se positionner dans le domaine du transport de marchandises. C'est donc en toute cohérence que cette possibilité a été ouverte, à leur demande, dans la loi.
Comme M. Balanant, je suis étonné du jacobinisme exprimé, notamment, par les groupes La France insoumise et Rassemblement national. À entendre ce dernier, il y aurait d'un côté les bonnes collectivités, et de l'autre les mauvaises. Or, pour moi, en France, une collectivité est une collectivité. Allez donc expliquer, chers collègues, à la Wallonie, à la Bretagne, à l'État de Hambourg ou au Val d'Aoste qu'ils n'ont pas d'identité : vous les surprendrez ! Les régions ont leur identité et ont montré qu'en matière de transports, elles se situaient parfois à la bonne échelle pour gérer des déplacements sur de longues distances.
Madame Arrighi, nous avons souvent des échanges dans le cadre de votre travail de rapporteure spéciale pour les infrastructures et services de transports, et j'ai partagé certains de vos points de vue. Cependant, je tiens à préciser devant M. Rebeyrotte, responsable du groupe majoritaire pour l'examen de la loi 3DS, que je n'ai pas dit que cette loi était bavarde et elliptique, mais que les lois étaient souvent bavardes, et que celle-ci était elliptique.
En l'état actuel des textes européens et du droit français tel qu'il résulte de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, ou loi climat et résilience, et de la loi 3DS, si l'on veut que les régions puissent lever l'écoredevance – ou écotaxe, car ce n'est pas du nom qu'il s'agit –, la seule possibilité est précisément de leur permettre de bénéficier de fractions du réseau routier national non concédé, et il conviendrait donc de faciliter l'expérimentation en la matière. J'en parle en connaissance de cause, en tant qu'élu d'une région traversée chaque jour par des milliers de poids lourds et sur laquelle l'abandon de l'écotaxe a eu des conséquences désastreuses, ces poids lourds ne s'arrêtant même pas pour faire un plein sur son territoire, pourtant étendu. Cette région Grand Est a activé le dispositif destiné à lever l'écoredevance mais, concrètement, si on ne lui permet pas de gérer ce réseau routier – ce qui suppose une délégation de signature au triple niveau du vice-président de région, du directeur régional et d'autres agents habilités, s'il le souhaite, par ce dernier –, cela n'aboutira pas.
Quant à l'idée que tout cela n'aurait pas d'utilité pratique et que les présidents de région ne seraient, selon la caricature qu'en fait le Rassemblement national, que de grands féodaux uniquement préoccupés d'accroître leur pouvoir, elle revient à sous-estimer l'attachement de centaines d'élus au bien public. Surtout, elle méconnaît les raisons pour lesquelles les trois régions volontaires se sont positionnées. Comme je l'ai dit, en effet, certaines d'entre elles visent à assurer la maîtrise d'ouvrage de certains projets qui sont complémentaires de projets existants, considérant qu'elles seront plus efficaces que l'État pour tenir les délais. D'autres pensent qu'elles seront plus efficaces dans la transition de la route – c'est là une question majeure, car chacun aura malheureusement constaté que, sur les aires de service du réseau routier national, l'équipement en bornes de recharge électrique est bon, voire excellent, sur les parties concédées, mais parfois inexistant pendant des centaines de kilomètres sur le réseau non concédé. L'État a beau avoir augmenté ses investissements dans une proportion très significative depuis cinq ans, comme le montre le rapport que vous avez reçu, le retard est tel et il y a tant de décisions à prendre pour savoir où et comment équiper le réseau, que les régions peuvent penser qu'elles le géreront mieux et plus vite.
Le principe de la différenciation de la décentralisation suppose aussi de leur laisser la liberté de se positionner. Si un automobiliste trouve difficile de payer pour circuler sur un réseau concédé, c'est précisément parce qu'il sait qu'il s'agit d'un bien public, et c'est la seule chose qui lui importe. Les gens qui empruntent tous les jours les routes ne se posent pas la question de savoir si c'est le département ou la commune qui les entretient : ils veulent qu'elles soient bien entretenues. Des régions nous disent qu'elles feraient mieux. Donnons-leur cette possibilité, et nous verrons.
Monsieur Léaument, au terme de la période d'expérimentation de huit ans, soit en février 2030, en l'absence d'actes législatifs, la gestion quotidienne du bien retournera dans le patrimoine de l'État, dont le bien lui-même n'est jamais sorti. En fonction du bilan qui pourra être tiré de l'expérimentation – sans doute en 2028-2029 –, il appartiendra au législateur de décider s'il souhaite la prolonger ou d'en rester là. C'est une sage perspective.
Je tiens enfin à préciser que le maquis dépeint par M. Léaument est parfaitement inexact. La loi 3DS ne prévoit aucunement que des régions délèguent la gestion des routes à des départements. Il est prévu que les départements et les métropoles puissent bénéficier d'un transfert mais, comme cela s'est fait à de très nombreuses reprises et sous tous les gouvernements, les départements ont récupéré une grande part de l'ancien réseau routier national. Le texte prévoit donc une nouvelle phase de transferts possibles, y compris vers les métropoles, comme cela a par exemple été le cas récemment dans l'Eurométropole de Strasbourg en vertu de textes plus anciens. Il prévoit aussi l'expérimentation pour les régions, mais il n'existe aucun lien entre les articles 38 et 40. Il est donc tout à fait inexact d'affirmer que la loi 3DS prévoit des délégations entre ces entités : ce n'est le cas ni dans la loi existante ni dans la proposition de loi qui vous est soumise aujourd'hui.