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Intervention de David Valence

Réunion du lundi 22 janvier 2024 à 18h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDavid Valence, rapporteur :

Il arrive souvent que la loi soit bavarde, mais il arrive aussi qu'elle soit elliptique, voire lacunaire : c'est le cas de la loi du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale, dite loi 3DS. Cette proposition de loi a pour objet de combler les lacunes de ses articles 40 et 41. L'article 40 ouvre la possibilité d'une mise à disposition, aux régions qui le souhaitent, de fractions du réseau routier national non concédé. Cette possibilité de différenciation et d'expérimentation, qui s'inscrit dans le cadre de la décentralisation, puisque les régions ne sont pas compétentes en matière de voirie, a été ouverte afin de compléter les outils de gestion des mobilités mis à la disposition des régions, qui sont cheffes de file en ce domaine. L'article 41 permet de déléguer la maîtrise d'ouvrage de projets futurs aux régions, mais également aux départements et aux métropoles.

La liste des sections susceptibles d'être transférées ou soumises à expérimentation, fixée par un décret du 30 mars 2022 – soit à peine un mois après la promulgation de la loi – totalise 10 000 kilomètres de voirie, sur un total d'un peu plus de 1 million de kilomètres de voies routières. Ces sections représentent l'ensemble du réseau routier national non concédé, à l'exception de l'autoroute A20 reliant Vierzon à Montauban – l'Occitane –, de l'autoroute A75, reliant Clermont-Ferrand à Béziers – la Méridienne – et de l'ensemble autoroutier reliant Dunkerque à Bayonne – la route des estuaires. Ce décret a fixé une période de six mois afin que les régions puissent délibérer avant de se positionner. Les régions Auvergne-Rhône-Alpes, Occitanie et Grand Est ont manifesté leur volonté de bénéficier d'une mise à disposition de certaines de ces sections et la décision interministérielle du 4 janvier 2023 a identifié les 1 600 kilomètres d'autoroute pouvant être mis à leur disposition afin qu'elles puissent améliorer la qualité de service, par exemple en aménageant des voies réservées sur certaines sections autoroutières, ou accélérer la transition écologique, notamment en équipant les aires de service de davantage de bornes de recharge électrique. La faible réponse des régions, puisque seules trois sur douze ont manifesté leur intérêt, s'explique par des doutes sur les modalités de compensation financière de l'État, même si ses investissements dans le réseau routier ont crû de manière très significative ces dernières années, ainsi que l'Observatoire national de la route (ONR) l'a souligné.

La loi 3DS et les textes réglementaires prévoient la mise à disposition de personnel, par service plutôt qu'à titre individuel – environ 850 équivalents temps plein (ETP) sont concernés dans les trois régions –, mais elle ne contient aucune disposition autorisant le président de région à déléguer sa signature aux agents de la direction interdépartementale des routes (DIR). Cette délégation est pourtant indispensable à la gestion quotidienne des routes : une interdiction de circulation, à la suite par exemple d'une traversée de gibier ou d'un accident de la circulation, demande une réponse opérationnelle qui aujourd'hui exigerait du président de région qu'il signe tous les actes nécessaires à sa mise en œuvre. L'impossibilité de déléguer sa signature aux fonctionnaires de l'État chargés du suivi de ces routes entraînerait donc une dégradation de la qualité du service.

Le code général des collectivités territoriales n'autorise la délégation de signature d'un exécutif local au profit d'agents de l'État que pour des actes délibérés par les assemblées régionales, départementales ou communales et la jurisprudence administrative a considérablement restreint le champ d'application de cette disposition. Les régions Auvergne-Rhône-Alpes, Grand Est et Occitanie ont donc fait savoir qu'elles n'étaient pas en capacité de gérer les sections du réseau routier national mis à leur disposition sans une extension de la délégation de signature, qui ne peut être faite – le Conseil d'État l'a rappelé – que par voie législative. J'ai donc décidé de déposer cette proposition de loi. J'ai bien conscience qu'il ne s'agit pas du texte du siècle et je vous remercie, chers collègues pour votre présence, mais, en tant que législateur, nous devons veiller à la bonne application de la loi et à son effectivité.

Les discussions entre l'État et la région Grand Est sont très avancées : une convention de mise à disposition – portant sur les autoroutes A31, A30, A33 et A313 et les routes nationales RN4, RN44, RN52 et RN431 – a été signée le 19 octobre 2023. La loi est donc prête à être appliquée dans la région Grand Est. En revanche, les discussions avec les régions Auvergne-Rhône-Alpes et Occitanie ne pourront aboutir dans le délai fixé par la loi – un amendement de M. Boris Vallaud propose d'ailleurs de l'étendre – car elles achoppent sur les investissements nouveaux, plutôt que sur la compensation de la maintenance et des travaux d'entretien courant sur le réseau.

Nous avons donc besoin de ce texte pour permettre aux régions de mener à bien cet exercice de différenciation et de décentralisation.

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