Le moment est solennel, car il est rare dans la vie d'un député d'exercer le pouvoir constituant. La démarche est toute autre que celle que nous avons habituellement. Il ne s'agit plus de faire vivre les grandes oppositions qui traversent la société mais, au contraire, comme il s'agit de la norme suprême, d'énoncer clairement la perception de la très grande majorité des Français des droits et libertés.
Je voudrais répondre à l'un des arguments de ceux qui contestent l'utilité de constitutionnaliser la liberté de recourir à l'IVG – comme François-Xavier Bellamy, tête de la liste LR pour les élections européennes. J'ai également entendu la position du RN lors de cette réunion. Selon eux, le texte ne sert à rien parce que tout le monde est d'accord sur le droit de recourir à l'IVG et qu'il n'existe pas de risque de remise en question de ce dernier. Si tout le monde est d'accord, pourquoi ce droit ne figure-t-il pas déjà dans la Constitution ?
En exerçant le pouvoir constituant, la question que nous devons nous poser est de savoir pourquoi une telle béance existe s'agissant d'un droit absolument fondamental pour les femmes. Sans lui, il ne peut pas y avoir d'égalité de droits entre les femmes et les hommes. Lorsque le Conseil constitutionnel a reconnu que le droit de recourir à l'IVG était conforme à la Constitution, il s'est appuyé sur le troisième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946, qui garantit à la femme des droits égaux à ceux de l'homme. Pour atteindre l'égalité, il faut pouvoir maîtriser la procréation.
Je considère qu'il faut discuter de l'emplacement à retenir pour ce droit dans la Constitution, non pas pour s'opposer au consensus, mais pour enrichir le débat constitutionnel.