Je reprends l'invitation de Sarah Tanzilli : l'humilité doit guider nos travaux à venir. Je remercie les collègues qui avaient déposé d'autres propositions de rédaction d'avoir fait preuve de retenue, en accordant la priorité à un accord avec le Sénat et en prenant en considération la qualité des apports proposés par nos collègues sénateurs. Cela nous permettra, j'en suis sûr, d'aboutir à la constitutionnalisation de la liberté de recourir à l'IVG.
Notre désaccord est en effet certain, madame Bordes. Vous estimez que le texte n'est pas utile et que le droit à l'IVG ne subit pas d'attaques. Nous considérons qu'il fait bien l'objet d'attaques – et pas seulement en Europe ou ailleurs dans le monde, mais aussi en France. Cela justifie que l'on place au niveau constitutionnel la protection du droit à l'IVG, ce qui recueille un accord de l'Assemblée et du Sénat et un fort soutien de nos concitoyennes et concitoyens. Il faut le faire le plus rapidement possible – ce qui ne signifie pas fixer une date à respecter. Si nous y arrivons en mars, cela sera très bien ; si c'est en avril, cela sera très bien aussi. L'objectif est d'aboutir, en respectant le travail réalisé par les deux chambres.
Par ailleurs, madame Bordes, à travers cette constitutionnalisation, nous allons reconnaître une liberté publique fondamentale. Le droit à l'avortement a été conçu en 1975 comme une dérogation au droit pénal qui considérait l'IVG comme un délit, et donc comme une tolérance. Ce que nous proposons, c'est de consacrer la liberté publique fondamentale, celle de disposer de son corps. C'est un message majeur en matière d'égalité des droits à destination des générations présentes et à venir, mais aussi du monde entier.
D'un point de vue technique, vous avez estimé que cette constitutionnalisation entraînerait une refonte importante du code de la santé publique. Je vous invite à lire l'alinéa 12 de l'avis du Conseil d'État, où ce dernier indique que le projet n'implique aucune modification des dispositions législatives existantes. Il ne serait donc pas nécessaire de modifier le code de la santé publique.
Je rebondis sur l'intervention de notre collègue Émilie Bonnivard pour souligner que la discussion des amendements permettra de s'interroger sur la protection accordée au droit à l'avortement par la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Nous estimons que cette dernière ne va pas assez loin, car le Conseil n'a jamais reconnu l'avortement comme une liberté. Il existe donc une incertitude dans le cas où le Conseil serait amené à se prononcer sur un texte qui reviendrait en arrière. C'est la raison pour laquelle il convient d'apporter une réponse au niveau constitutionnel, en retenant une rédaction sans aucune ambiguïté.
Marie-Noëlle Battistel a insisté, à juste titre, sur l'importance du mot « garantie ». Nous avions été un certain nombre à considérer que nous pourrions finalement reprendre le texte du Sénat sans modification. Les travaux menés par le Gouvernement, l'avis du Conseil d'État et les auditions ont montré toute l'importance de l'emploi de ce mot. Nous ne pouvons pas revenir en arrière et le supprimer laisserait entendre que nous ne souhaiterions pas garantir cette liberté, or c'est notre objectif.
Enfin, madame Regol, constitutionnaliser ne veut en effet pas dire banaliser, mais bien sanctuariser. C'est ce but qui doit guider nos travaux.