Je veux d'abord remercier Mme Violland d'avoir rappelé les termes employés par le Conseil d'État. Il nous indique que la liberté de recourir à l'IVG n'est garantie ni par la Constitution, ni par le Conseil constitutionnel, ni par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni par la Cour de justice de l'Union européenne. Elle n'est garantie par rien. Cela seul justifie que nous inscrivions la liberté de recourir à l'IVG et sa garantie dans la Constitution.
Madame Bordes, s'agissant du caractère symbolique de l'inscription dont nous discutons, dois-je vous rappeler que c'est dans la Constitution que la couleur du drapeau, la langue française, notre devise sont inscrites ? La Constitution a donc aussi une portée symbolique, très importante dans la période que nous traversons. Il est crucial d'affirmer, dans le texte au sommet de la hiérarchie des normes, la liberté des femmes de disposer de leur corps. Je suis toujours heureux, fier et ému quand l'universalisme de la France des Lumières éclaire le monde entier, surtout quand cela procède d'un travail transpartisan.
À ce propos, je vous remercie, madame Panot, d'avoir indiqué que vous voteriez en faveur du texte bien que vous n'aimiez pas sa formulation. Vous avez raison de le faire compte tenu de la méthode employée par le Président de la République, qui a d'abord consisté à suivre avec intérêt et bienveillance les initiatives parlementaires. Ces dernières ont abouti. J'ai moi-même soutenu le texte que vous avez présenté, et Aurore Bergé a retiré le sien. Au Sénat, votre texte s'est trouvé face à celui de Mme Vogel, et il n'y a eu qu'une discussion. Les rédactions adoptées par les deux assemblées ont beaucoup en commun, mais présentent aussi quelques divergences sémantiques avec lesquelles je suis obligé de composer. L'antériorité de ce travail parlementaire a donc eu ceci de positif qu'elle a permis au Gouvernement de présenter un texte susceptible d'être adopté par les deux assemblées.
Je rappelle qu'en vue du Congrès, le texte définitif doit être adopté par ces dernières en des termes identiques. Il est normal que l'Assemblée ne soit pas tout à fait satisfaite du texte proposé par le Sénat, de même que le Sénat n'était pas pleinement satisfait de celui que proposait l'Assemblée. Néanmoins, la rédaction à laquelle nous sommes parvenus est extrêmement équilibrée. C'est maintenant ou jamais : soit nous jouons le jeu transpartisan et menons à son terme l'œuvre collective qui a commencé et qui se terminera au Parlement ; soit nous la faisons capoter pour un mot, pour une virgule.
Je vous invite à lire l'avis limpide du Conseil d'État, en particulier sur la question de l'équilibre, madame Bonnivard. Il consacre un paragraphe à démontrer que les grands équilibres ne seront en rien modifiés par le projet. À cet égard, les choses me paraissent tout à fait claires.
Le sujet fait l'objet d'un consensus transpartisan et le projet permet de trouver un point d'équilibre. En avant toute ! C'est très important.
On nous dit qu'il ne faut pas exagérer les risques, que le droit à l'IVG ne sera jamais remis en question et que l'Atlantique nous sépare des États-Unis. Ce droit y était reconnu depuis cinquante ans, mais c'est pourtant désormais fini. Je pourrais aussi parler de la Hongrie et de la Pologne. Des gens continuent d'envoyer des fœtus en plastique aux députés. Il y a dans notre pays des forces qui n'ont aucune envie de garantir le droit à l'avortement et de protéger cette liberté pour les femmes. Je le dis sans viser quiconque. Ces personnes se trouvent essentiellement à l'extrême droite. C'est une réalité qui a été soulignée par Sarah Tanzilli.
Nous avons un grand texte de liberté. Ce n'est pas tous les jours que l'on peut tous ensemble discuter d'un tel projet et le voter. Alors soit on choisit de chipoter – mais ce n'est pas ce que j'ai entendu aujourd'hui –, soit on adopte ce texte pour faire figurer ce droit dans notre Constitution. Comme l'a relevé Mme Faucillon, le Conseil d'État a cru utile de rappeler que cela serait la première fois qu'un pays inscrit cette liberté dans sa Constitution. Si j'étais familier, je dirais que ça a de la gueule ; comme je le suis moins, je dis que cela a quand même beaucoup d'allure.