Le groupe GDR, comme de nombreux membres de cette commission, n'estime pas que la loi en discussion est vaine ou relève uniquement de la cosmétique ou du symbole. À notre sens, elle est profondément utile sur les plans social, médical, politique et culturel, d'autant plus que nous assistons à la montée en puissance de nouveaux fascismes en Europe et ailleurs dans le monde. Il faut le rappeler, 47 000 femmes dans le monde meurent chaque année d'un avortement clandestin, soit une femme toutes les neuf minutes.
Ce projet de loi constitutionnelle est attendu de très longue date. Il faut, à cet égard, noter à quel point les luttes pour les droits des femmes sont longues et combien il faut, pour qu'elles aboutissent, toujours accepter des compromis. C'est la marque des grandes conquêtes féministes. Je tiens ici à rendre hommage à toutes celles qui se sont battues pour les mener à leur terme et à toutes celles qui persisteront à le faire en faveur de nouvelles victoires.
De très nombreuses associations continuent d'œuvrer pour le droit à l'avortement et pour son effectivité réelle en France. Je pense aussi à toutes celles et à tous ceux qui ont souhaité, au Parlement, se saisir de cette question et s'assurer de la protection absolue du droit à l'IVG, notamment depuis l'annulation de l'arrêt Roe vs Wade par la Cour suprême américaine, dont la résonance a été internationale.
Je remarque d'ailleurs que le combat pour le droit à l'IVG a dans le monde un écho d'une ampleur telle qu'il semble dépasser celui de toute autre lutte. Dans certains pays – au Kenya, au Nigeria, en Éthiopie ou en Inde –, des mouvements anti-avortement ont saisi l'occasion que leur fournissait la décision de la Cour suprême des États-Unis pour arrêter des processus législatifs progressistes favorables aux droits sexuels et reproductifs. La constitutionnalisation de l'IVG en France, importante pour la défense des droits des femmes dans notre pays, aurait donc également une résonance ailleurs dans le monde. Je ne le néglige pas et j'en serais même fière.
Le séisme outre-Atlantique a rouvert en France le débat sur la constitutionnalisation en question. Suivant un sondage pour la Fondation des femmes et le Planning familial réalisé en février 2021, 93 % des Français se disent attachés au droit à l'avortement. Les associations pro-vie n'en demeurent pas moins vigoureuses et abreuvées de financements aussi opaques que nombreux. Ces associations financent des campagnes régulières à l'effet considérable, qui passent par des manifestations anti-IVG, par la diffusion de fausses informations auprès des femmes sur internet, ou encore par la mobilisation d'élus réactionnaires. Les pro-vie redoublent ainsi de créativité dans le but d'empêcher les femmes d'avorter.
Je réponds ainsi à ceux qui estiment que le droit à l'avortement en France ne court aucun danger. Je pense que ce danger existe mais, même s'il n'existait pas, il n'en serait pas moins nécessaire de le protéger absolument.
Je terminerai en indiquant que la formulation proposée ne nous convient pas. Elle est perfectible. Nous défendrons donc des amendements, car nous estimons qu'il est utile de continuer à en débattre. Néanmoins, nous voterons évidemment en faveur de la constitutionnalisation de l'IVG.