L'IVG est de ces conquêtes féministes qui ont donné aux femmes en France une liberté, un droit de disposer de leur corps, et par conséquent de leur vie. Ce n'est pas un combat récent : il a été mené par nos aînées, par ces féministes vilipendées pour avoir eu le verbe trop haut, par ces avorteuses, ces faiseuses d'anges, poursuivies par la justice et dont l'histoire, aujourd'hui, reconnaît l'apport comme la réalité des vies qu'elles ont sauvées. Ces femmes, ces féministes, étaient de tout bord mais partageaient un combat commun. Elles ont tracé le sillon qui nous a conduits au présent texte, lequel constitue une suite à leur travail, mais certainement pas son point final. Il n'est qu'une étape dans le long processus de notre « empouvoirement ».
En tout temps, nos droits peuvent être mis en danger. Ils le sont aujourd'hui, dès lors qu'ils ne sont pas institués. On pense naturellement aux États-Unis, à la Pologne, à tous ces pays où la bascule politique produit une fracture dans le socle de nos droits fondamentaux, dont les femmes sont toujours les premières victimes.
C'est aussi une réalité française : il suffit de penser aux faux sites d'aide aux femmes, qui ont pour principal objectif d'inciter ces dernières à refuser de faire usage de leurs droits et de leur liberté de choix. Je pense également à la campagne des réseaux anti-IVG qui, pour nous menacer ou nous faire peur, ont envoyé par la poste à plusieurs d'entre nous des fœtus en plastique. Que d'argent mal dépensé !
Je pense, enfin et surtout, aux déserts médicaux qui rendent l'accès à l'IVG inégalitaire et plus encore à ces médecins, ces gynécologues qui persistent à culpabiliser les femmes, à tenter de les faire revenir sur leurs choix, et sur lesquels nous butons parfois parmi nos proches ou dans nos circonscriptions, dans nos familles ou dans nos assemblées parlementaires. Leurs victimes ont été et sont encore trop nombreuses.
Ces menaces présentent un point commun, très politique : le choix que font les réactionnaires de toujours empêcher les femmes de disposer de leur corps ; de les tenir à distance et pour ainsi dire en laisse, afin qu'elles ne puissent décider de leur avenir, que nous ne puissions collectivement décider du nôtre. Certains, d'ailleurs, au sein de notre assemblée, en sont encore à légiférer sur le ventre des femmes, pour nous obliger à produire selon certains quotas. Ce sont les mêmes qui opposent les droits des femmes à ceux d'un fœtus et qui refusent de construire l'histoire de demain, celle des femmes et de la France.
Constitutionnaliser, ce n'est pas banaliser, mais bien sanctuariser un droit, celui des femmes. Ce n'est pas démultiplier les recours à l'IVG, ce n'est pas nier le choix de celles qui ne veulent pas y recourir. C'est s'assurer que, quoi qu'il arrive, l'histoire ne se déroule pas à rebours et que nos droits ne régressent pas. C'est aussi inscrire la France dans l'histoire, celle du premier pays à agir en faveur d'une constitutionnalisation partielle de ce droit.
Certes, nous aurions préféré la formulation travaillée par notre collègue Mathilde Panot, qui permettait de garantir l'accès à l'IVG et incluait dans sa version première le droit à la contraception. Nous aurions également pu envisager de constitutionnaliser le délai de recours à l'IVG et de le fixer ainsi à quatorze semaines. Nous défendrons des amendements qui nous permettront d'évoquer les raisons pour lesquelles nous ne le faisons pas et persistons ainsi à nous autolimiter.
Un seul objectif prime cependant sur tout autre : parvenir à avancer, à construire notre histoire, à constitutionnaliser, fût-ce à l'article 34, fût-ce dans une version revue à la baisse, ce droit fondamental, en France, de toutes les femmes, françaises ou non.