Le 24 juin 2022, outre-Atlantique, la Cour suprême des États-Unis rendait une décision relative à l'interruption de grossesse, qui propagea une onde de choc à travers le monde. En mettant un terme à la célèbre jurisprudence Roe vs Wade de 1973, la Cour suprême a démontré la fragilité des droits fondamentaux qui semblaient acquis dans nos sociétés modernes.
En Europe également, certains courants tentent d'entraver la liberté des femmes d'interrompre leur grossesse. La France, fort heureusement, est dans une situation très éloignée de celle des États-Unis. Le droit à l'IVG n'y fait plus l'objet d'aucune remise en cause par les partis politiques de tous bords, même si des mouvements concentrés et relativement minoritaires portent toujours une voix pro-vie. Notre réaction à l'évolution proposée de notre droit doit donc être mesurée.
Néanmoins, face au retour en arrière que constitue la décision de la Cour suprême américaine, nous devons montrer l'exemple. Consacrer cette liberté au sommet de la hiérarchie des normes ferait de la France l'un des premiers pays au monde – et le premier en Europe – à protéger dans sa Constitution la santé physique et psychique des femmes contre les risques que présente un avortement dans la clandestinité.
En héritiers de Simone Veil, nous nous prémunirions ainsi contre la possibilité d'un retour aux faiseuses d'anges, près de cinquante ans après la loi fondatrice du 17 janvier 1975, en empêchant la remise en cause par la loi de la liberté d'avoir recours à l'IVG. C'est un message fort envoyé aux hommes et aux femmes du monde entier.
La pertinence de l'inscription de cette liberté dans notre Constitution a été confirmée par l'avis rendu par le Conseil d'État le 7 décembre 2023. Celui-ci a noté que la liberté de recourir à l'IVG ne fait aujourd'hui l'objet d'aucune consécration en tant que telle dans la Constitution française, dans la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou dans le droit de l'Union européenne. Elle n'est pas davantage consacrée par la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme ou de la Cour de justice de l'Union européenne, qui renvoient toutes deux à l'appréciation des États la recherche d'un équilibre entre le droit à la vie privée de la mère et la protection de l'enfant à naître.
Dans sa décision du 27 juin 2001, le Conseil constitutionnel a fait le choix d'adosser la valeur constitutionnelle de la liberté de la femme d'avoir recours à l'IVG à celle de la liberté de la femme prévue par l'article 2 de la DDHC.
Le groupe Horizons et apparentés est favorable au présent projet de loi constitutionnelle en ce qu'il insère à l'article 34 de la Constitution un alinéa précisant que « La loi détermine les conditions dans lesquelles s'exerce la liberté garantie à la femme d'avoir recours à une interruption volontaire de grossesse. »
La rédaction choisie emporte notre approbation, car elle précise que c'est à la loi de garantir l'effectivité du droit à l'IVG et l'accès à celle-ci, en d'autres termes qu'il revient aux représentants de la nation de déterminer les conditions dans lesquelles ce droit s'exerce. Ainsi, la liberté de recourir à l'IVG sera protégée de façon pérenne, tout en continuant d'être encadrée par un processus démocratique.
Par ailleurs, l'emploi d'une formule positive permet d'assurer la constitutionnalité d'un certain nombre de dispositifs importants de notre droit, notamment la clause de conscience des médecins et des sages-femmes.
Le groupe Horizons tient, enfin, à saluer le compromis entre les textes adoptés dans les deux chambres dont résulte la rédaction retenue.
Résolument attaché à la liberté de choisir, notre groupe parlementaire sera toujours guidé par la volonté d'empêcher une quelconque remise en cause de l'équilibre défini par la loi Veil. Nous voterons donc en faveur de ce projet de loi constitutionnelle, dans la rédaction proposée.