La législation sur l'IVG n'a jamais été une évidence, comme vient de l'illustrer l'intervention de l'extrême droite. Cette législation est née d'un long processus historique d'acquisition de droits civils, sociaux et politiques au bénéfice des femmes en France. Je rends hommage aux militantes, aux associations qui, sur le terrain, dans les permanences, ont inlassablement mené ce combat et ce, de longue date. Je pense en particulier à l'Association nationale pour l'étude de l'avortement (Anea), à Choisir, au Mouvement français pour le planning familial (MFPF), au Mouvement de libération des femmes (MLF), au Mouvement pour la liberté de l'avortement et de la contraception (Mlac) et à beaucoup d'autres organisations, que je ne peux pas toutes citer. Je rends hommage à toutes celles et tous ceux qui, hier comme aujourd'hui, ont mené une lutte sans repos pour les droits des femmes : cette victoire, comme celle de 1975, est la leur.
Or, en 2024, quarante-neuf ans après le vote de la loi Veil, l'accès à l'IVG n'est toujours pas pleinement effectif dans notre pays. Il est toujours difficile pour certaines femmes d'accéder à un avortement sûr, sécurisé, dans des délais convenables. La double clause de conscience n'est toujours pas abrogée. Certaines femmes doivent encore parcourir des dizaines de kilomètres pour avorter. En quinze ans, 130 centres IVG ont été fermés, selon le Planning familial.
Le combat des femmes pour le droit à disposer de leur corps est plus que jamais d'actualité. Quarante-neuf ans après le vote de la loi Veil, nous restons parfois dans un « en même temps » insupportable, qui est la marque de ce gouvernement. Comment oublier que le 5 janvier, l'ancienne ministre de la santé, Agnès Firmin Le Bodo, se rendait à l'institut Lejeune, qui milite ouvertement contre l'avortement et le droit à mourir dans la dignité ?
Comment oublier que la nouvelle ministre de la santé, Catherine Vautrin, alors qu'elle était députée, membre du groupe Les Républicains, saisissait en 2017 le Conseil constitutionnel, lui demandant de censurer la loi relative à l'extension du délit d'entrave à l'IVG ?
Surtout, comment oublier que le décret censé autoriser les sages-femmes à pratiquer des IVG instrumentales, pris il y a seulement un mois en application de la loi Gaillot, est si contraignant qu'il en arrive à contredire l'objectif même de la loi, faisant ainsi régresser le droit à l'IVG ?
Je vous le demande avec d'autant plus de force que, en France, en Italie, aux États-Unis et dans bien d'autres pays du monde, les anti-choix battent le pavé, avec à la clef, bien souvent, des victoires de l'extrême droite. À travers le monde, ils ont un seul mot d'ordre : la régression.
Demain, en Andorre – dont le Président de la République est le coprince –, sera rendu le verdict dans le procès de Vanessa Mendoza Cortés. Militante pour le droit à l'avortement dans un pays où l'IVG est considérée comme un crime, elle est jugée pour avoir dénoncé cet état de fait devant l'ONU. Il est plus qu'urgent d'inscrire la garantie du droit à l'IVG et, par-là, d'envoyer un signal aux femmes qui se battent dans le monde entier.
Le « manifeste des 343 salopes » affirmait : « L'avortement libre et gratuit n'est pas le but ultime de la lutte des femmes. Au contraire il ne correspond qu'à l'exigence la plus élémentaire, ce sans quoi le combat politique ne peut même pas commencer. » La victoire à laquelle nous aspirons est donc celle de l'humanisme qui guide l'action de mon groupe, pour la constitutionnalisation du droit à l'IVG comme pour le droit à mourir dans la dignité. Il n'y a pas de plus grande liberté, selon nous, que d'être maître de son corps tout au long de sa vie.
Bien que nous ne soyons pas d'accord avec la rédaction du projet de loi constitutionnelle, nous voterons celui-ci en l'état, parce que le besoin de consacrer ce droit humain fondamental dans la Constitution est urgent, autant pour les femmes de ce pays que pour envoyer un message d'encouragement à toutes celles qui se battent en Argentine, aux États-Unis, en Pologne, en Hongrie, en Italie et dans bien d'autres pays. Nous modifierons cette rédaction dans la Constitution de la VIe République, que j'espère, en ajoutant au droit à l'IVG son corollaire : le droit à la contraception.