Nous y sommes ! Depuis le premier jour de la législature, nombre d'entre nous, dont les membres du groupe Renaissance, se sont mobilisés pour consacrer dans notre Constitution le droit des femmes de recourir à l'IVG. Les initiatives parlementaires, parmi lesquelles celle de la ministre Aurore Bergé, alors présidente du groupe Renaissance, ont toutes fait valoir la nécessité de passer par un projet de loi constitutionnelle et appelé le Président de la République et le Gouvernement à agir. Je tiens à saluer, monsieur le garde des sceaux, votre engagement constant en faveur de l'inscription dans la Constitution du droit de recourir à l'IVG et la qualité du travail légistique que vous avez entrepris, souligné par l'avis, éclairant, du Conseil d'État, et le rapport établi par le rapporteur.
Que ceux qui craignent que la portée de la constitutionnalisation excède le cadre juridique actuel se rassurent : le juge constitutionnel a pour vocation de concilier des principes contradictoires. Ce sera le cas, demain, pour la liberté de recourir à l'IVG et la liberté de conscience, notamment. La formulation retenue et son inscription à l'article 34 de notre Constitution consacrent les prérogatives du législateur pour délimiter les contours et les modalités d'exercice de ce droit, dont la Constitution protégera le caractère effectif.
Afin que les deux chambres du Parlement puissent parvenir à un accord, et conformément aux engagements pris, le Gouvernement a proposé une rédaction de compromis. À ceux qui la jugent perfectible, je répondrai que le mieux est l'ennemi du bien, que le Conseil d'État comme notre rapporteur considèrent que la formulation proposée permet de consacrer à l'échelon constitutionnel le droit des femmes de recourir à l'IVG, et que le mot « liberté » a la même valeur que celui de « droit », le terme essentiel étant « garantie ». La protection juridique accordée sera donc équivalente à celle préconisée par les deux propositions de loi constitutionnelles de l'Assemblée nationale et du Sénat examinées l'an dernier. Il n'est plus temps d'ergoter sur une formulation plus ou moins parfaite ; il faut constater que cette rédaction de compromis atteint son objectif : une loi constitutionnelle qui protège le droit à l'avortement et installe un bouclier protecteur non régressif.
Nous n'avons jamais été aussi près de consacrer ce droit essentiel des femmes. Agissons ! D'autant plus que le Conseil d'État reconnaît, dans son avis, qu'il n'existe aucune garantie constitutionnelle ou conventionnelle qui donnerait une portée supralégislative à la liberté des femmes de recourir à l'IVG. L'humilité commande de regarder avec lucidité ce qui se passe hors du territoire français : partout, les réactionnaires, lorsqu'ils arrivent au pouvoir, portent atteinte à ce droit, car il constitue un pilier essentiel de la capacité des femmes à maîtriser leur corps, et donc leur destin. Il faudrait être aveugle ou de mauvaise foi pour ne pas voir la réalité de la menace. Non, les anti-IVG, dans notre pays, n'ont pas disparu. Ils pullulent sur les réseaux sociaux et sur internet. Ils envoient des fœtus en plastique aux députés engagés sur la question. Ils défileront dans nos rues dimanche prochain. Ils sont même présents dans les rangs de notre assemblée ; certains l'assument franchement, même aujourd'hui, d'autres beaucoup moins. Mais n'oublions pas que, si la stratégie de la cravate modifie l'apparence, elle ne change rien au fond, et que Marine Le Pen défendait il y a encore quelques années le déremboursement de l'IVG – les prétendus « avortements de confort ».
C'est avec bonheur, en responsabilité, dans la perspective d'aboutir à la consécration du droit des femmes de recourir à l'IVG, et d'envoyer un message d'espoir à toutes les femmes de par le monde qui voient leurs droits reproductifs fragilisés, que le groupe Renaissance votera pour ce texte, sans modification.