Il faut comparer les fonds ciblés sur la transition agroécologique – 40 millions pour le plan Écophyto et 30 millions pour les agences de l'eau – aux 600 millions d'euros du PSN ou à l'ensemble des 9 à 10 milliards de la PAC, voire aux 20 milliards qui bénéficient à l'agriculture, si l'on inclut les exemptions fiscales diverses. La part ciblée sur la transition paraît trop faible pour être un levier : tout le monde fait comme d'habitude, ce qui ne contribue pas à créer un changement systémique à la hauteur de notre ambition.
Nous pointons un décalage entre l'ambition affichée de moins 50 % de produits phytosanitaires en 2030 et l'enclenchement d'un PSN tel que nous le connaissons sur quatre ans. Il ne faut pas fixer des objectifs si on ne se donne pas les moyens de les atteindre.
S'agissant du continuum de recherche et développement, une des propositions du plan Écophyto II visait à développer les fermes Dephy, pour passer de 2 000 à 3 000 entités. Par ailleurs, il fixait l'objectif des 30 000 fermes en transition. Or c'est un peu le triangle des Bermudes : les chambres, les instituts, les ministres, tous disent qu'ils ignorent ce que ce projet des 30 000 fermes est devenu. C'est un mystère absolu. L'argent n'a pas été perdu, il n'a pas été mobilisé.
Sur Dephy, il y a eu des injonctions contradictoires entre deux ministres, en peu de temps. Le laboratoire a été rétréci par Julien Denormandie – qui n'a pas su expliquer pourquoi on était passé de 3 000 à 2 000 fermes ni ce que ces 1 000 fermes étaient devenues. Puis le réseau a été à nouveau agrandi par vos soins, et revenu à 3 000 fermes. Pouvez-vous expliquer cette discontinuité ?
Avec les ingénieurs du Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux (CGAAER), nous avions estimé, d'après le schéma de développement des années 1950 et 1960, qu'un agriculteur engagé en entraînait sept. Environ 200 000 agriculteurs utilisant des produits phytosanitaires en France, on pouvait donc viser 30 000 agriculteurs engagés, en constituant des grappes de dix exploitants autour de chaque ferme Dephy. Ce processus a été peu mis en œuvre, comme d'ailleurs les groupements d'intérêt économique et environnemental (GIEE). Il n'y a pas eu de massification mais personne ne sait en répondre. Que vaut un plan dont les propositions ne sont pas appliquées ? Cela pose des questions en termes de redevabilité et de pilotage.
Pouvez-vous donc nous éclairer sur ces objectifs de 3 000 fermes et 30 000 agriculteurs engagés, dont on n'arrive pas à avoir la moindre évaluation ?