Je veux d'abord redire que l'article 14 A ne contraindrait pas l'État à stopper la délivrance de visas mais lui donnerait la possibilité de le faire. Aucun pays ne serait visé en particulier : l'ensemble de ceux qui ont signé un accord bilatéral ou multilatéral avec la France pourraient l'être. Vous savez d'ailleurs, madame Hai, que nous n'avons pas arrêté de délivrer des visas pour les ressortissants algériens ou marocains mais divisé leur nombre par deux. Peut-être cette décision a-t-elle rendu plus difficiles les déplacements, mais l'objectif est aussi, précisément, que la population fasse pression sur ses dirigeants.
Quel intérêt aurions-nous, madame Faucillon, à garder sur notre sol des délinquants multirécidivistes qui ne sont pas français et que leurs propres pays refusent ? Personne ne pourrait l'expliquer à la population ! Lorsqu'on est aux responsabilités, il faut savoir prendre des décisions, fussent-elles difficiles aux yeux de certains. C'est tellement vrai que Jean-Pierre Brard, vingt ans député du parti communiste, m'a écrit pour apporter son soutien au conditionnement de la délivrance de visas et de l'aide publique au développement.
J'ai également entendu une contre-vérité s'agissant de l'efficacité de ces mesures. Je vous renvoie sur le sujet, monsieur Bilongo, au rapport de M. Le Fur, rapporteur spécial de la commission des finances pour la mission budgétaire Aide publique au développement – et député de l'opposition. Sur la base des chiffres que lui ont transmis le ministère de l'intérieur et des outre-mer et le ministère de l'Europe et des affaires étrangères, il établit que le taux de délivrance de laissez-passer consulaires est passé, entre 2021 et 2022, de 6 % à 46 % pour l'Algérie, de 43 % à 54 % pour le Maroc et de 41 % à 44 % pour la Tunisie. Ce sont des évolutions significatives, dont nous pourrions nous réjouir et remercier ces États. Chacun sait en effet que c'est avec les pays du Maghreb que nous rencontrons des difficultés : en 2022 en effet, le taux de délivrance de laissez-passer consulaires s'est établi à 96 % pour la Côte d'Ivoire, à 93 % pour la Guinée et à 75 % pour le Sénégal. Des taux de 46 % ou 44 % ne sont certes pas suffisants, ce qui justifie les dispositions de l'article 14 A, mais ils sont en forte progression.
Vous ne pouvez pas me reprocher de ne pas appliquer les OQTF ou d'envoyer du monde en CRA si vous refusez de donner au ministère de l'intérieur les moyens d'améliorer la situation – à moins que vous ne défendiez, comme le font certains groupes politiques, la régularisation de tous les sans-papiers, y compris des délinquants. C'est une position tout à fait respectable, mais c'est un autre sujet. (Plusieurs députés du groupe LFI-NUPES s'exclament.) Vous avez tout de même voté contre les articles 9 et 10, vous voulez supprimer la rétention administrative et vous avez défendu un amendement de régularisation de tous les sans-papiers !