Je suis également défavorable à ces amendements de suppression, sur la base à la fois de l'utilité de l'article et de ce que font nos voisins européens.
L'article ne prévoit pas que l'État ne donne pas de visa si des laissez-passer consulaires ne sont pas délivrés : c'est une possibilité, non une obligation ou une injonction au Gouvernement.
Lorsque l'on négocie avec des États étrangers le retour de leurs compatriotes, notamment ceux qui doivent être expulsés pour des raisons d'ordre public, ils répondent qu'ils appliquent les règles d'un État souverain, et que rien dans le droit français ne permet de diminuer le nombre de visas en échange de la reprise des négociations consulaires, comme le Président de la République l'a fait. C'est une mesure qui marche avec de nombreux pays d'Afrique – les Comores, par exemple – ou d'Asie.
On peut comprendre la réticence des pays à récupérer certains de leurs ressortissants. Je mets moi-même plus de temps à accepter qu'un État étranger, souvent d'Asie ou d'Amérique, nous renvoie un tueur ou un pédophile : je demande s'il est bien Français, j'examine la situation, et surtout j'essaye de négocier quelque chose en échange. Les relations entre États sont faites d'intérêts et pas seulement de grandeur d'âme et de bienséance. La relation consulaire entre dans le cadre d'un ensemble de relations diplomatiques. À certains moments, on peut comprendre que, malgré des difficultés consulaires, on continue des relations diplomatiques, par exemple pour des raisons qui relèvent de la lutte contre le terrorisme ou de la puissance économique ou culturelle. À d'autres moments, on peut mettre cette menace dans la balance.
Supprimer l'article 14 A affaiblirait donc la position de la France et du ministère de l'intérieur dans ces négociations.
Par ailleurs, l'union européenne elle-même utilise cette arme vis-à-vis de pays comme la Gambie ou l'Irak, pour lesquels la délivrance de visas est conditionnée par l'obtention des laissez-passer consulaires. Il serait donc étonnant que la France s'en prive.
La commission des affaires étrangères a posé une question importante, celle des passeports diplomatiques. Je donnerai d'ailleurs un avis favorable aux amendements qu'elle a déposés sur ce sujet. Mais se pencher sur la question des passeports diplomatiques et donc des dirigeants ne doit pas nous conduire à omettre celle de la population, car c'est souvent elle qui fait pression sur les dirigeants.
Cela a été dit et redit par les représentants de nombreux groupes : sans relations diplomatiques et sans rapport de force avec les pays concernés, nous ne pourrons pas réaliser les reconduites à la frontière. Comment leur renvoyer leurs ressortissants, s'ils refusent de laisser atterrir l'avion ? Aucun pays ne se réjouit de reprendre ses ressortissants délinquants ou criminels. Ce rapport de force est donc nécessaire pour concrétiser les obligations de quitter le territoire français (OQTF).
Rappelons également que les pays visés sont, outre ceux qui délivrent un nombre particulièrement faible de laissez-passer consulaires, ceux qui ne respectent pas un accord bilatéral qu'ils ont signé – je pense aux traités avec les pays du Maghreb. Les États doivent respecter la parole qu'ils ont donnée.
Au-delà des visas, l'article 14 A mentionne aussi l'aide publique au développement. Là encore, il n'y a rien d'automatique : l'article donne simplement à la France la possibilité d'agir au cas où un État ne respecterait pas un accord bilatéral ou multilatéral. Cela ne semble pas délirant non plus. Je rappelle à cet égard que lorsque le conseil de défense a entériné l'augmentation considérable qu'a connue l'APD récemment, en la portant à 0,55 % du PIB, il a posé comme condition l'existence de relations diplomatiques ou consulaires.
L'article 14 A est tout à fait nécessaire à la mise en application de notre politique en matière de reconduites à la frontière. Ne nous privons pas de cette arme.