Madame Genevard, pour répondre à votre intervention sur l'article 4 bis, je souhaite vous faire part du cas de deux personnes dont la régularisation a été demandée au ministre de l'intérieur par des élus. Dans le premier exemple, une dame est arrivée en France en 2011. Veuve, elle assume seule la charge de ses deux enfants scolarisés. Elle est agente de propreté depuis 2019, avec des horaires de travail qui lui font quitter son domicile à cinq heures du matin pour un retour à vingt-deux heures ; elle est rémunérée entre 600 et 1 100 euros par mois, pour un travail effectif supérieur à quarante heures par semaine sur quatre chantiers, à Vitry, Livry-Gargan, au Blanc-Mesnil et à dans le 16e arrondissement de Paris. L'employeur n'a jamais voulu signer le Cerfa de régularisation. Cette dame est donc toujours en situation irrégulière sur le territoire national et je cherche toujours une solution pour la régulariser en dépit du refus de son employeur. Ce cas illustre les difficultés persistantes pour appliquer la loi.
Le deuxième exemple concerne une dame arrivée en France en 2010, qui cumule cinquante-six bulletins de salaire dans la branche du nettoyage. La préfecture a été informée de ses conditions de vie dramatiques et de la grande précarité dans laquelle elle se trouve. Elle n'a pas d'enfant et, ces deux dernières années, a dormi dans une cage d'escalier. À plusieurs reprises, on lui a proposé des logements d'urgence et, à ce jour, elle vit dans un logement insalubre – nous l'aidons d'ailleurs dans la procédure qu'elle a intentée contre son marchand de sommeil. Elle n'est pas régularisable non plus parce qu'une très grande entreprise française refuse de signer son Cerfa et de reconnaître qu'elle l'a embauchée de manière irrégulière.
Par ailleurs, madame Genevard, vous avez cité M. Brochand. Il s'agit d'un homme respectable, personne n'en disconvient, mais quel est le rapport entre l'ancien patron de la DGSE puis ambassadeur et les métiers en tension ? M. Brochand n'a jamais eu à gérer une préfecture ni à s'occuper de métiers en tension. La DGSE est composée de gens formidables, les diplomates le sont également, mais quel rapport avec les métiers en tension ? Ils s'occupent de la menace pour notre territoire : en quoi ces dames constituent-elles une menace pour notre territoire ? Il ne me paraît pas nécessaire d'évoquer la DGSE, d'autant que le texte contient plusieurs dispositions, notamment aux articles 9, 10 et 13, qui apporteront une réponse à votre préoccupation.
Permettez-moi, madame Genevard, de dresser quant à moi la liste des dispositions qui ont été retenues depuis le début de l'examen du texte à l'Assemblée : le débat annuel au Parlement, avec la définition d'objectifs chiffrés ; l'exigence d'une couverture par l'assurance maladie et de ressources régulières, stables et suffisantes pour demander un regroupement familial ; l'exigence de l'apprentissage du français, qui s'accompagnera de dispositions similaires à celles de la loi de 2007 relative à la maîtrise de l'immigration, à l'intégration et à l'asile – adoptée sous Nicolas Sarkozy –, aux termes de laquelle l'apprentissage de la langue française débute avant le regroupement familial ; le pouvoir conféré aux maires en matière de regroupement familial.
Le retrait du titre de séjour pour toute personne menaçant ou portant atteinte à des élus a été retenu également, comme l'ont été le conditionnement plus strict du titre de séjour « étranger malade », instauré par le Sénat ; le contrôle du caractère réel et sérieux du cursus suivi ouvrant droit à la carte pluriannuelle pour les étudiants ; la suppression de la réduction tarifaire dans les transports en commun pour les étrangers en situation irrégulière ; l'instruction des demandes à « 360 degrés », enfin, proposée par le sénateur Buffet afin d'accélérer les retours et à réduire les délais de réponse.
L'article 1er, qui prévoit un examen de langue pour l'obtention d'un titre pluriannuel, a été adopté ; il ne concernera pas moins de 370 000 titres par an. L'article 2, qui oblige les étrangers à suivre des cours de français sur leur temps de travail – ce qui les rendra sans doute moins compétitifs que leurs collègues français – a été retenu lui aussi.
Il faut donc se garder de toute caricature, même s'il est vrai que l'Assemblée n'est pas le Sénat. Vous pouvez vous opposer, madame Genevard, à un texte qui conditionne l'obtention d'un titre pluriannuel à un examen de français, mais vous aurez beaucoup de mal à expliquer que les Français s'y opposent également.