Rétablir cet article qui vise à régulariser les clandestins travaillant dans des métiers en tension est une fausse bonne idée.
Je rappelle, d'abord, que les régularisations n'ont jamais cessé depuis l'époque de François Mitterrand : il y a eu la circulaire Sarkozy de 2008, qui a créé une liste de trente métiers en tension et permis l'embauche de travailleurs étrangers pourvus d'un certificat de travail, puis la circulaire Valls de 2012, qui a régularisé les étrangers en situation irrégulière vivant en France depuis au moins cinq ans et ayant un contrat de travail ou une promesse d'embauche. Le moins qu'on puisse dire, c'est que ces régularisations sont loin d'avoir réglé le problème qui nous occupe.
L'article 3 tend à octroyer une carte de séjour de plein droit à des clandestins présents en France depuis plus de trois ans et ayant exercé un métier en tension durant huit mois au cours des deux années précédentes. Le Sénat a souhaité prendre en compte des critères relatifs au comportement, à l'adhésion à nos modes de vie et tout simplement à l'insertion, et il a allongé la durée de travail nécessaire, ce qui me paraît le minimum.
Ce qui me gêne dans vos arguments, c'est votre petite musique de défiance envers les préfets, dont les décisions seraient discrétionnaires – en gros, certains seraient des méchants qui ne régulariseraient personne. Si tel est le cas, pourquoi ne pas appliquer la même défiance dans d'autres domaines et donc réduire drastiquement les prérogatives de ces serviteurs de l'État ? De la même façon, les employeurs seraient forcément de vilains patrons désireux de profiter de la précarité de leurs employés en ne les faisant pas régulariser.
Enfin, vous prétendez que l'argument de l'appel d'air est faux. Mais croyez-vous vraiment que les passeurs qui organisent les filières vont s'embarrasser de détails et expliquer les conditions nécessaires pour obtenir, éventuellement, un titre de séjour ? Ils diront tout simplement aux gens qu'ils n'ont qu'à se prétendre maçons, serveurs ou livreurs pour être régularisés et ils les inciteront ainsi à venir en France.
Voilà pourquoi je suis totalement opposée aux amendements visant à rétablir l'article 3.