Des sans-papiers travaillent dans des métiers en tension ; leurs perspectives de régularisation, actuellement limitées, dépendent uniquement de la procédure dite de l'admission exceptionnelle au séjour, dont le fondement juridique est une circulaire du 28 novembre 2012, dite circulaire Valls.
Cette situation présente trois difficultés majeures : les décisions préfectorales sont discrétionnaires, elles n'intègrent pas la tension qui peut exister dans certaines professions et elles dépendent d'une action de l'employeur, qui doit obligatoirement participer à la demande de régularisation – si celui-ci ne coopère pas, le dossier n'existe pas. Voilà pourquoi l'article 3 du projet de loi initial visait à lancer une expérimentation temporaire, dont les résultats devaient être évalués au bout d'un certain temps et qui consistait à délivrer une carte de séjour de plein droit aux personnes présentes en France depuis plus de trois ans et pouvant justifier d'une activité professionnelle salariée dans un métier et une zone géographique caractérisés par des difficultés de recrutement depuis au moins huit mois, consécutifs ou non, au cours des deux dernières années.
Le projet de loi initial du Gouvernement réservait le lancement de la procédure à la seule initiative du demandeur. Le Sénat a remplacé l'article 3 par l'article 4 bis, qui réduit la portée du dispositif. La Haute Assemblée a en effet créé un article additionnel dans le chapitre du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (Ceseda) relatif à l'admission exceptionnelle au séjour, qui dispose que la délivrance de la carte de séjour temporaire portant la mention « travailleur temporaire ou salarié » n'intervient qu'à titre exceptionnel. En outre, les difficultés de recrutement doivent avoir duré au moins un an lors des deux dernières années et non plus seulement huit mois. L'article précise également que l'autorité compétente prend en compte l'insertion sociale et familiale de l'étranger, son respect de l'ordre public et son intégration dans la société française : les obligations que doit remplir le travailleur étranger pour obtenir la carte sont donc plus fortes. Le dispositif sénatorial prévoit enfin que l'autorisation de travail peut être accordée après vérification auprès de l'employeur de la réalité de l'activité alléguée, là où le texte initial donnait à la carte de séjour la valeur d'une autorisation de travail.
Le rapporteur général a déposé, à l'article 4 bis, un amendement proposant un dispositif d'équilibre : il reprend l'idée sénatoriale du maintien de la délivrance d'une carte de séjour temporaire, qui porte la mention « travailleur temporaire ou salarié », mais également les réserves indiquant que la carte de séjour est délivrée sauf si le représentant de l'État s'y oppose pour l'une des raisons énumérées, par exemple l'existence d'une menace contre l'ordre public. Dès lors que l'étranger remplit la totalité des conditions et qu'il ne tombe pas dans l'une des exceptions, il obtient une carte de séjour.
Il s'agit donc d'un dispositif d'équilibre : la procédure n'est pas discrétionnaire, mais il n'y a pas de droit automatique à la régularisation. Je donne donc un avis défavorable aux amendements qui viennent d'être présentés, au profit de celui du rapporteur général à l'article 4 bis.