Je trouve les députés socialistes bien durs avec François Hollande. Je rappelle en effet que c'est le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 qui a conditionné le versement des prestations de sécurité sociale à une résidence stable et régulière et qui a inscrit dans la loi des mesures qui étaient auparavant du domaine réglementaire, notamment la nécessité de résider six mois par an en France pour bénéficier des allocations familiales et d'y vivre depuis cinq ans pour toucher le RSA. Manifestement, quand on est dans l'opposition, on est humaniste, et quand on est dans la majorité, on est pragmatique...
Si Bernard Cazeneuve, Manuel Valls, Jean-Marc Ayrault et vous-mêmes, lorsque vous étiez dans la majorité, avez estimé qu'il fallait attendre cinq ans avant de verser le RSA à des étrangers non communautaires et trois ans à des étrangers communautaires – une façon de rappeler à Mme Taurinya que cette distinction existait déjà à l'époque –, c'est que vous l'avez jugé utile. C'est vous aussi qui avez décidé que ce délai serait de dix ans à Mayotte : c'est bien que vous avez pensé que ce serait utile pour la République et je ne vous fais pas de procès en inhumanité. De même, pour bénéficier des APL, il faut résider au moins huit mois par an sur le territoire national et y résider depuis dix ans pour toucher l'Aspa. La distinction qui est faite entre les Français, les Européens et les étrangers extra-européens n'est pas scandaleuse en soi, comme l'a rappelé le rapporteur général.
L'article du Sénat me semble toutefois poser trois problèmes. Premièrement, il s'agit d'un cavalier législatif ; il traite des prestations sociales, alors que ce projet de loi vise à réécrire le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. C'est déjà assez compliqué comme cela. Deuxièmement, les délais introduits par les sénateurs sont incohérents et nous avons essayé de le leur dire : faire passer de six mois à dix ans la durée minimale de résidence en France pour bénéficier de certaines prestations n'a pas de sens. Troisièmement, il importe évidemment de faire une différence entre les prestations contributives et les prestations non contributives.
D'une manière générale, nous privilégions toujours le travail aux prestations sociales. C'est pourquoi j'invite les membres du groupe Les Républicains à voter le rétablissement de l'article 4, qui doit permettre aux demandeurs d'asile de vivre des revenus de leur travail, plutôt que de l'allocation pour demandeur d'asile (ADA). On ne peut pas à la fois réduire les prestations sociales pour pousser les gens à travailler et leur refuser de travailler quand ils pourraient le faire. Il faudra faire preuve de cohérence de ce point de vue et je regrette que le Sénat en ait manqué.
En résumé, il n'est pas choquant que les conditions d'accès aux prestations sociales varient selon que l'on est Français, étranger communautaire ou extracommunautaire. C'est tellement vrai que c'est la position qu'ont défendue les gouvernements successifs, y compris les gouvernements socialistes que vous avez soutenus. Il importe par ailleurs de distinguer entre les allocations contributives et celles qui ne le sont pas. Enfin, cette disposition n'a pas fait l'objet d'une étude d'impact et, si le législateur estime qu'il faut revoir les conditions d'attribution des prestations sociales aux étrangers, cela devra se faire dans un autre texte.