Je veux dire mon soutien à la disposition votée par le Sénat, même si je pense qu'elle n'est pas révolutionnaire. Il est important de rappeler que le délit de séjour irrégulier a été supprimé par une loi de décembre 2012 qui fait suite à une directive européenne promue par le Parti populaire européen (PPE) pour des raisons d'efficacité et pas seulement de conformité à la Convention européenne des droits de l'homme.
D'autres délits de séjour irrégulier existent dans le droit : le délit d'entrée irrégulière à une frontière extérieure de l'espace Schengen, y compris en outre-mer, le délit de maintien irrégulier sur le territoire et le délit de retour non autorisé sur le territoire français. Si le président Hollande et sa majorité ont supprimé le délit de séjour irrégulier, ils ont maintenu le délit de maintien irrégulier sur le territoire, passible d'un an d'emprisonnement et de 3 750 euros d'amende, ainsi que le placement en garde à vue en cas de non-respect d'une OQTF – obligation de quitter le territoire français. Le rétablissement du délit de séjour irrégulier ne revient donc pas à délictualiser le droit des étrangers en France puisqu'il l'est déjà. D'autres pays, comme la Belgique et l'Espagne, ont adopté un délit comparable, sanctionné par une amende et non par une peine de prison.
Le dispositif imaginé en 2012 a démontré son efficacité : 80 000 interpellations en moyenne entre 2007 et 2012, 92 000 entre 2012 et 2017, sous le gouvernement de M. Hollande, et plus de 120 000 depuis 2017. L'absence d'un délit de séjour irrégulier n'empêche donc pas la police de procéder à des retenues ni de renvoyer les personnes dans leur pays.
Toutefois, le rétablissement de ce délit permettrait de prendre des mesures supplémentaires. Tout d'abord, le juge judiciaire pourrait prendre la décision d'éloigner la personne du territoire. L'intervention du juge judiciaire dans le contentieux de la présence sur le territoire national est sans doute plus protectrice pour les étrangers, soumis jusque-là aux décisions du préfet, contrôlées par le juge administratif.
Ensuite, cela permettrait d'inscrire les personnes que nous recherchons, notamment celles que nous soupçonnons d'avoir commis des actes délictuels ou criminels, dans le Faed, le fichier automatisé des empreintes digitales. Actuellement, les personnes soumises à une OQTF peuvent seulement être inscrites dans le FPR, le fichier des personnes recherchées – l'instruction que j'ai prise à ce sujet a été jugée conforme au droit par le Conseil d'État.
Enfin, et c'est le plus important, cela permettrait de procéder à des fouilles et à des perquisitions dans le but de trouver des papiers d'identité. Si vous adoptez le présent article, c'est une demande que nous pourrons formuler directement auprès du JLD – juge des libertés et de la détention – pour les personnes placées en CRA – centre de rétention administrative.
Certes, le rétablissement de ce délit alourdira la tâche des policiers, qui devront rédiger des procès-verbaux et transmettre des documents à la justice. Toutefois, si la retenue administrative est plus rapide et sans doute plus efficace, elle ne permet pas de lutter contre l'immigration irrégulière avec toute la sévérité requise. Je propose donc que nous en débattions plus en détail en séance, en posant des conditions et en définissant des garanties si nécessaire.