Malgré les propos tenus par un certain nombre de collègues, je crois que la question de l'apprentissage du français ne mérite pas un tel excès d'indignité. Quels sont le gouvernement et la majorité qui ont introduit la systématisation de l'apprentissage de notre langue pour toute personne primo-arrivante ? C'était un gouvernement de François Hollande, issu du parti socialiste, auquel j'ai appartenu comme M. Lucas. Par ailleurs, l'objectif de donner des chances d'intégration supplémentaires grâce à l'apprentissage du français devrait tous nous réunir, quelles que soient les familles politiques auxquelles nous appartenons.
Ce que le Sénat a proposé, c'est de dire qu'il faut se donner les moyens de faire en sorte qu'on puisse accéder, dans son pays d'origine, à l'apprentissage du français. C'est un système acceptable, puisqu'il a été appliqué sans aucune difficulté jusqu'en 2016, dans le cadre du précontrat d'accueil et d'intégration, dans le but d'assurer une sensibilisation à la langue française.
S'il y a une chose que nous ne pouvons pas faire, en revanche, et nous rejoignons là le débat que nous venons d'avoir au sujet de la Convention européenne des droits de l'homme, c'est de poser une condition générale, définitive et absolue : il n'est pas possible de refuser le regroupement familial en France au motif qu'il n'y aurait pas eu au préalable un apprentissage du français. Mais se donner les moyens de faire en sorte qu'une personne puisse aller vers l'apprentissage du français dans son pays d'origine, cela ne veut pas dire qu'il y aura un test ou une obligation immédiate de résultat.
Comment pouvons-nous procéder ? Nous pouvons nous y prendre exactement comme à l'époque où le précontrat d'accueil et d'intégration s'appliquait, ce qui n'était pas une mauvaise option, c'est-à-dire en s'appuyant sur le réseau de l'Ofii, même s'il est faible – sept implantations à l'étranger, c'est peu – et en impliquant nos 834 Alliances françaises, présentes dans 128 pays.
Certains pensent qu'il faudrait refuser cette mesure parce qu'elle a été adoptée par le Sénat ou parce qu'ils craignent qu'elle devienne une condition générale et absolue. Ce que je vous propose, c'est de considérer que le parcours d'intégration de la personne qui sera admise à bénéficier du regroupement familial commence dans son pays d'origine, avec les moyens que les Alliances françaises et l'Ofii pourront mettre en place. Cela veut dire, encore une fois, qu'il n'y aura pas de test qui pourrait ensuite justifier un refus. La Convention européenne des droits de l'homme et le dixième alinéa du préambule de la Constitution de 1946 nous interdisent de le faire. Je vais retirer, pour des raisons rédactionnelles, l'amendement CL1660 que j'ai déposé, mais je vous en proposerai un autre en séance afin de sécuriser ce que je viens de vous dire, à savoir qu'il ne s'agira pas d'une condition rédhibitoire pour le regroupement familial.
Par ailleurs, il faut replacer en perspective le parcours d'intégration. On ne peut demander le regroupement familial pour ses proches, son conjoint ou sa conjointe et ses enfants, qu'après dix-huit mois de présence en France – nous n'avons pas souhaité étendre cette durée à vingt-quatre mois – et à cela s'ajoute un délai de réponse, par l'autorité administrative, qui est de six mois. Il n'est pas extravagant de faire en sorte, pour les conjoints – mais pas pour les mineurs –, que ces vingt-quatre mois soient mis à profit pour engager un parcours d'apprentissage de la langue française.
Je le redis : il ne s'agira pas d'une condition générale et absolue et il n'y aura ni test dans le pays d'origine ni obligation de résultat : ce sera une simple obligation de moyens, conforme à ce que j'ai voté en 2016, dans le cadre du contrat d'intégration républicaine, et au contrat d'engagement républicain que nous vous proposerons à l'article 13, même si nous poserons en la matière, pour l'accès à la carte de séjour pluriannuelle, une condition de résultat.
J'émets, pour résumer, un avis défavorable à l'ensemble des amendements de suppression. Je ne comprendrais pas que l'on considère que le parcours d'intégration ne peut pas commencer dès le pays d'origine. Sous réserve des clarifications que j'apporterai en séance, c'est une avancée qu'il serait tout à fait néfaste de refuser purement et simplement.