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Intervention de Marc Ferracci

Séance en hémicycle du mercredi 6 décembre 2023 à 14h00
Lutte contre les discriminations par la pratique de tests individuels et statistiques — Article 1er

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarc Ferracci, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République :

Le sujet est important et nous en avons beaucoup discuté en commission. Je veux, pour vous répondre, partir d'un constat instructif : il y a eu zéro condamnation pénale en matière de discrimination en 2020 en France – zéro ! –, alors même que l'arsenal juridique pour lutter contre les discriminations est très étoffé.

Cet arsenal juridique comprend notamment les tests individuels, lesquels sont admis comme un élément de preuve depuis maintenant une quinzaine d'années par l'article 225-3-1 du code pénal. Le problème est que l'on fait très peu de tests individuels en France. Vous avez dit, madame Karamanli, qu'ils étaient la prérogative de la Défenseure des droits. C'est faux : les avocats peuvent en faire pour le compte de leurs clients et, comme l'a dit M. Taché, les associations le peuvent aussi pour le compte des personnes discriminées.

Nous discutons avec la Défenseure des droits depuis de longs mois. Lors de son audition, nous lui avons posé une question simple : combien de tests individuels sont-ils réalisés sous son autorité ? Elle n'a pas été en mesure de nous donner cette information, et nous en avons tiré la conclusion que le nombre de tests individuels réalisés était très faible.

Je ne jette évidemment l'opprobre sur personne : la réalisation de tests individuels est compliquée et chronophage, elle exige une expertise et de l'argent. Ce n'est pas moi qui le dis, mais la Défenseure des droits elle-même, qui a publié sur son site internet une fiche destinée à aider les acteurs, associations comme avocats, à réaliser eux-mêmes des tests individuels.

Vous souhaitez donc, madame Karamanli, par votre amendement, empêcher l'instance créée au présent article – qui aurait pourtant les moyens de le faire – d'aider tous ces acteurs à réaliser des tests individuels. Je veux vous dire une chose simple, chère collègue : ma seule préoccupation, dans le cadre de cette proposition de loi, est l'efficacité. Si la Défenseure des droits, dans les prochains mois ou les prochaines années, se saisit pleinement de cette prérogative, je serai le plus heureux des hommes ; mais pour le moment, nous constatons que ce n'est pas le cas. Nous souhaitons donc améliorer l'écosystème pour créer, plutôt que de la concurrence, de la complémentarité.

J'ajoute, pour être très précis, que l'accompagnement juridique des personnes victimes de discrimination n'a pas vocation à être assumé par la Dilcrah. Celle-ci peut en revanche réaliser des tests, au profit de tous, par exemple en créant une candidature fictive – assortie d'un CV similaire à celui d'une candidature réelle – pour l'obtention d'un emploi, d'un logement ou d'un prêt bancaire. Après avoir transmis cette candidature, elle laisserait la personne concernée être accompagnée par qui elle le souhaite – et ce pourrait être, d'ailleurs, la Défenseure des droits.

Ce que nous visons, c'est donc l'efficacité des acteurs et non leur mise en concurrence. Adopter votre amendement, madame la députée, reviendrait à valider une forme de statu quo. Or, comme beaucoup l'ont dit ici même, le statu quo n'est pas acceptable, parce que les discriminations sont trop présentes dans notre pays.

Je propose donc, dans un souci d'ouverture, que vous retiriez votre amendement et que nous lui préférions, une fois que nous les aurons examinés ensemble, d'autres amendements qui ont été déposés par plusieurs groupes politiques, notamment de gauche, et qui visent à limiter dans le temps la prérogative donnée à la Dilcrah. Nous aurons l'occasion, dans un délai de deux à trois ans, de dresser collectivement un bilan au sujet des problèmes que vous évoquez, notamment celui qui a trait à la lisibilité du dispositif. Mais dans la situation actuelle, le risque que vous mentionnez n'est précisément qu'un risque, madame la députée. Pour ma part, j'ai une certitude : le statu quo est inacceptable. Avis défavorable.

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