En 2023, il n'est pas normal de devoir encore parler de la discrimination à l'embauche, dont M. le rapporteur a rappelé qu'elle est nuisible même du point de vue économique ! Toutefois, je le crains, cette réforme est trop timide, floue et manque d'ambition.
En effet, les discriminations ne s'additionnent plus, mais se multiplient. En vingt ans, nous avons assisté à un dédoublement des discriminations perçues à l'embauche en fonction de l'origine, de la race ou de l'ethnie. Qu'importe les études qu'on a menées et les nombreuses compétences qu'on a énumérées sur son CV : en France, s'appeler Karim, c'est voir diminuer de 32 % ses chances d'être contacté pour un entretien d'embauche. Porter le nom de Mounia, c'est devoir envoyer vingt-quatre CV pour être rappelée, quand Marie-France en envoie cinq.
Certes, le testing et l'élargissement des moyens de preuve constituent des outils de lutte contre les discriminations, mais je crains qu'ils ne soient insuffisants. Je regrette l'absence d'effet dissuasif et le manque de clarté du texte. Qu'en est-il de la victime de discrimination et de ses projets de vie, monsieur le rapporteur ? Obtiendra-t-elle un poste à la hauteur de ses diplômes, ou un logement ? Je ne le pense pas.
Vous proposez la création d'un service mis sous tutelle du Premier ministre, sans mesurer les risques de conflit d'intérêts qui en découlent. Comment garantir la bonne foi d'un tel organisme, alors qu'il existe un lien hiérarchique entre le Premier ministre et son administration ? Lorsque l'administration fait elle-même l'objet d'une enquête, comment s'assurer qu'il n'y aura pas de fuite ni d'arbitrage ? Un tel service s'apparente à une IGPN bis .
En attendant que la discrimination soit avérée, puis sanctionnée, le train sera passé pour la victime de discrimination. Pourtant, c'est le sujet qui nous occupe aujourd'hui. Par ce texte, vous créerez un outil de mesure qui ne saurait, à lui seul, devenir une politique publique, alors même qu'une telle politique est nécessaire.