Peut-on se plaindre de ce que sont certains territoires ? Le chant des coqs, des cigales ou des criquets, le tintement des cloches des églises sont-ils des nuisances contestables parce qu'incommodantes ou des symboles du monde rural qu'il convient de protéger ?
Les querelles de voisinage sont aussi vieilles que les relations humaines. Parfois, le bon sens et le dialogue permettent de régler le différend mais, dans un certain nombre de cas, les enjeux économiques, moraux, esthétiques, psychologiques sont tels que le trouble ne peut être que porté devant les tribunaux. C'est une construction prétorienne qui est venue répondre à la question, avec le désormais célèbre arrêt de la Cour de cassation du 13 novembre 1986 disposant que nul ne doit causer à autrui un trouble anormal du voisinage. Il s'agit d'une responsabilité sans faute, qui relève de l'appréciation souveraine du juge.
Dans un contexte de judiciarisation croissante des différends, il est sain et utile que le législateur intervienne. Tel est le sens de cette proposition de loi tendant à clarifier la jurisprudence et à l'adapter aux évolutions de la société et des rapports entre les individus. Son article unique introduit dans le code civil le principe de responsabilité sans faute pour trouble anormal de voisinage, consacré en 1986.
Cette codification est une manière de garantir une application homogène sur le territoire, mais cet article unique pose également une exception à ce principe, issue de la théorie de la préoccupation : respect de la législation, antériorité du trouble et poursuite de l'activité qui en est à l'origine dans les mêmes conditions. Les difficultés d'adaptation à la vie locale constituant le principal facteur d'échec des installations en milieu rural, l'inscription de ce garde-fou dans la loi favoriserait la conciliation des intérêts individuels entre les nouveaux venus et les acteurs déjà installés et permettrait de répondre aux légitimes préoccupations rurales.
En réformant le droit de la responsabilité civile, cette proposition de loi ne vise pas à entraver le développement des activités locales ou individuelles mais à établir un juste équilibre entre les droits de chacun. Selon notre groupe, elle offre une base suffisamment solide, propice à une qualité de vie paisible pour tous, ce qui est d'autant plus important que l'explosion des litiges entre voisins est symptomatique d'un climat social dégradé, d'un affaiblissement du lien social dont les premiers remparts sont les maires et leurs équipes. Ce sont eux qui, régulièrement, endossent le rôle de médiateur et de conciliateur. Les violences qu'ils subissent parfois, en retour, sont intolérables. Notre groupe réitère son soutien à tous les élus de proximité et votera en faveur de cette proposition de loi.