Nous examinons ici une proposition de loi de codification. Cela a été dit, la notion de trouble anormal du voisinage est une création prétorienne, jurisprudentielle, issue de l'opiniâtreté des plaideurs et de l'empirisme des juges. Elle est ancienne : nous l'avons apprise à la faculté de droit, et certains d'entre nous l'ont plaidée sous l'égide du très ancien article 1382 du code civil, devenu, à la faveur d'une recodification à laquelle nous ne nous habituons pas, l'article 1240 du même code.
Nous n'allons évidemment pas nous opposer à un texte de codification. On peut cependant s'interroger quant à l'utilité de ces propositions de loi. Permettez-moi de poser une question philosophique : la codification en l'état d'une jurisprudence parfaitement établie est-elle une œuvre législative ou plutôt l'expression d'une forme de boulimie législative ?
L'ancien article 1382 fut efficace. Il a servi au juge pour créer des pans entiers de jurisprudence et répondre ainsi aux besoins des justiciables. Si nous nous mettons à codifier toutes les constructions prétoriennes en matière de responsabilité délictuelle, quasi délictuelle, du fait des choses ou du fait d'autrui, nous n'avons pas fini ! Cela créerait un très gros bloc législatif.
Cependant, nous sommes totalement favorables à un texte qui ne change pas grand-chose et qui laissera entier le pouvoir d'appréciation du juge du fond. Vous l'avez dit, madame la rapporteure : doit être indemnisé le trouble qui excède les contraintes normales du voisinage. Il s'agit d'un régime de responsabilité sans faute. Le trouble n'est pas indemnisable dès lors qu'il préexistait à l'installation du voisin plaignant. Tout cela, c'était la jurisprudence constante. Vous l'avez dit aussi, madame la présidente, le titre de la proposition de loi est davantage une accroche qu'il ne reflète un vrai changement des règles de la responsabilité civile, mais ce n'est pas grave. Il n'y a pas à proprement parler d'extension ni même d'adaptation du droit existant, mais ne créons pas de vaines polémiques. Le texte reflète un bon esprit : nous voterons donc en sa faveur.