J'ai l'honneur d'être à l'origine, depuis 2010, de textes régissant la saisie et la confiscation des avoirs criminels en France et créant l'Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (Agrasc). Toutes les personnes que j'ai auditionnées dans le cadre de cette proposition d'amélioration des dispositifs – magistrats, gendarmes, policiers – en ont salué l'utilité. L'émotion m'a même saisi en entendant le représentant de la gendarmerie nationale dire que la paternité de ces textes valait à Jean-Luc Warsmann d'être considéré comme un saint laïc dans ses rangs.
La proposition de loi que je vous présente aujourd'hui est aussi le fruit d'un travail effectué avec Laurent Saint-Martin dans le cadre d'une mission auprès du Gouvernement pour repérer les améliorations législatives nécessaires.
Le premier article du texte porte sur les procédures de contestation des décisions prises avant jugement concernant les biens meubles saisis. Le président de la Conférence nationale des procureurs généraux nous a signalé que, dans certaines chambres de l'instruction, 30 % à 50 % des saisines concernent des contestations de saisies. Conséquence : le délai de traitement de ces réclamations se compte en mois, et dépasse parfois un an.
Nous proposons donc de confier cette compétence au premier président de la cour d'appel ou à un conseiller par lui désigné. L'objectif est d'avoir un juge unique pour statuer sur ces contestations. De l'avis unanime, la procédure s'en trouverait accélérée et facilitée, ce qui serait une source d'économies. La gestion du bien durant l'attente du jugement coûte en effet de l'argent public.
Le deuxième article vise à simplifier et à améliorer l'indemnisation des victimes en élargissant l'assiette des biens sur lesquels la victime peut être indemnisée.
Le troisième article concerne une situation qui nous a souvent été rapportée : celle où des biens immobiliers confisqués sont occupés. Afin d'obtenir la pleine maîtrise de ces biens, l'Agrasc doit entamer une procédure de droit commun pour expulser l'occupant ou le locataire. Notre but n'est pas de sanctionner un occupant de bonne foi.
Nous avons eu très peu de temps pour conduire nos auditions, qui ont pris des allures de marathon, et il nous reste donc encore quelques sujets à travailler avec le ministère de la justice d'ici à l'examen en séance publique.
Le premier concerne la possibilité d'élargir la vente avant jugement. Avant 2010, pour un véhicule saisi, l'État payait 10 euros de fourrière par jour en attendant le jugement. Lorsque le prévenu était condamné, bien souvent au bout de plusieurs années, son véhicule pouvait alors être mis en vente mais ne valait plus rien. L'État dépensait donc de l'argent pour conserver un bien sans en tirer aucun profit. Depuis 2010, les magistrats peuvent procéder à la vente immédiate ; l'argent, consigné à la Caisse des dépôts, revient, après jugement, au prévenu s'il est innocenté, ou aux victimes puis à l'État, s'il est déclaré coupable. Or, seuls 30 % des biens saisis sont confisqués : une déperdition énorme ! Certes plusieurs situations expliquent qu'un bien ne soit pas confisqué : un membre de la famille peut utiliser ou habiter le bien ou encore il peut y avoir eu une erreur de procédure ; mais cela ne peut constituer 70 % des cas.
Au cours de notre travail avec Laurent Saint-Martin, nous avons estimé qu'environ un tiers des procureurs de la République demandaient aux services d'enquête de ne pas saisir de voitures. Or, l'objectif n'est pas tant de tirer 5 000 euros de la voiture que d'obliger son propriétaire, qui sort généralement libre de sa garde à vue, à rentrer chez lui à pied, pour que la victime et les voisins se disent que la société a réagi. Il faut donc faire en sorte que l'esprit de la loi de 2010 soit pleinement respecté.
Il reste aussi des problèmes de transmission d'informations entre l'Agrasc et les tribunaux. Certes, grâce au ministère de la justice – merci à lui – l'Agrasc dispose d'antennes régionales qui assurent au dispositif une efficacité inédite. Mais certaines ne sont pas toujours mises au courant des saisies et confiscations. Nous réfléchissons à des amendements pour faire en sorte qu'une copie de la décision ou du jugement leur soit adressée systématiquement. Cela semble évident, tant ce serait utile.
Une autre amélioration consisterait à ce que l'Agrasc, qui dispose déjà des données bancaires et des biens mobiliers, comme les voitures, ait accès au fichier informatisé des données juridiques immobilières (FIDJI).
Nous réfléchissons également à l'angle mort que forme la condamnation par contumace. Le délai de confiscation initial de six ans est prolongé à chaque nouvel acte juridique, par exemple à chaque réédition d'un mandat d'arrêt. Les biens ne sont donc, de fait, jamais confisqués.
Enfin, lors des auditions, la gendarmerie et la police se sont montrées favorables à l'inscription de l'enquête patrimoniale dans les missions des officiers de police judiciaire (OPJ). L'objectif est de bloquer, dès l'arrestation, les comptes bancaires et la gestion du patrimoine.
Voilà les sujets sur lesquels nous travaillons et que je voulais évoquer avant l'examen des amendements, dont le premier, rédigé par notre président, est excellent.