Certes, on peut avoir envie d'aller à Calais et à Boulogne-sur-Mer – j'y vais en vacances et j'y ai ma maison de famille – mais on y va surtout parce qu'on a envie de traverser la Manche pour aller en Angleterre.
À Grande-Synthe, Calais ou Boulogne-sur-Mer, où il y a quinze fois moins de migrants aujourd'hui qu'il y a dix ans, grâce à l'action très forte de M. Cazeneuve – on peut le remercier d'avoir lutté vigoureusement contre l'immigration irrégulière et démantelé les camps de migrants ; vous soutenez moins de telles actions aujourd'hui, mais il faut rappeler l'attitude très ferme contre l'immigration irrégulière d'un gouvernement socialiste dans les traces duquel nous nous inscrivons –, moins de 5 % des migrants demandent l'asile sur le territoire de la République, parce qu'ils veulent aller en Angleterre.
Notre souci est de faire comprendre à la Grande-Bretagne la nécessité, comme dans n'importe quel autre pays au monde, de rétablir une voie d'immigration légale et d'autoriser le dépôt de demandes d'asile. Tant que la Grande-Bretagne reste dans les lunes du Brexit sur les questions migratoires, elle s'interdit d'appliquer les accords de Dublin et de procéder à des reconduites à la frontière. Elle oblige les migrants, puisque le tunnel est complètement bloqué désormais, à emprunter des bateaux pour rejoindre son sol. Elle ne comprend pas qu'elle doit changer de paradigme. Monsieur Delaporte, je vous promets de vous répondre avec précision sur la situation du Calvados. Dans le Nord-Pas-de-Calais, souvent les migrants refusent les hébergements qui leur sont proposés, soit parce qu'ils veulent être prêts à prendre le prochain bateau, soit parce qu'ils sont aux mains des passeurs.
Il y a dans les départements du Nord et du Pas-de-Calais plus de 800 chambres libres. Il n'y en a pas moins des camps de migrants, auxquels ces chambres sont proposées. Ils les refusent car ils veulent passer en Angleterre, même dans les conditions affreuses que vous avez décrites, monsieur Delaporte. Il convient d'abord de remercier les gendarmes et les policiers de leur travail. Ils plongent dans des eaux difficiles pour sauver des bébés, des femmes, des enfants et des hommes qui veulent traverser la Manche sur des bateaux de fortune. Quoi qu'il en soit, les choses ne sont pas aussi manichéennes que vous les présentez.
Monsieur Guitton, nous n'allons pas opposer les sondages aux sondages. Je constate que 80 % des Français sont favorables au projet de loi, et que 60 % des Français sont favorables à la régularisation des travailleurs étrangers dans les métiers en tension. Au demeurant, des gens de toutes tendances me demandent des régularisations, ce qui n'a rien de surprenant : les gens qui travaillent, tout un chacun souhaite leur régularisation.
Être méchant avec les méchants et gentil avec les gentils est une attitude que tout le monde comprend. Les gens qui ne respectent pas les lois de la République, nous voulons tous nous en séparer. Il faut donc prendre les sondages avec précaution. À leur aune, vous êtes favorables comme un seul homme au texte que nous proposons, très largement soutenu par les Français.
Il n'en résulte pas que les Français ne sont pas favorables à une politique plus ferme en matière d'immigration, voire à un référendum. Celui-ci suppose toutefois une modification de la Constitution. Cette solution est peut-être intéressante, mais elle n'est pas immédiate. Ce que je propose a, au moins, le mérite de l'être.
J'évoquerai pour finir le taux d'application des OQTF, qui pourrit le débat médiatique. Le ministère de l'intérieur n'a jamais diffusé, dans aucun document, budgétaire ou non, le pourcentage d'OQTF appliquées. Lorsque vous en évoquez un, vous prenez le nombre de mesures administratives – qui ne sont pas toutes des OQTF, certaines par exemple sont des interdictions du territoire français (ITF) –, vous le divisez par le nombre de personnes qui ont quitté le territoire français, et vous annoncez un taux de 10 %, 15 % ou 20 %.
Cela ne fonctionne pas ainsi. Je sais que c'est difficile à admettre, mais telle est l'absurdité de notre mode de fonctionnement. Parmi les 120 000 mesures administratives prises chaque année, dont la plupart sont des OQTF, 80 % sont susceptibles de faire l'objet d'un recours suspensif. Ne pas le dire est malhonnête.
À ma place, même armés de votre bonne volonté et du programme de Mme Le Pen, vous n'obtiendrez pas un meilleur taux d'exécution des OQTF que moi. Dire, pour l'année 2023, que 120 000 mesures ont été prises et que 20 000 personnes ont quitté le territoire est malhonnête, car les mesures appliquées en 2023 ont été prises deux ou trois ans plus tôt et ont fait l'objet d'un recours. Les deux chiffres ne sont pas du même ordre.
Je suis le premier à dire que nous ne sommes pas efficaces en matière de reconduite à la frontière. C'est précisément pour cela que je présente un projet de loi. Par ailleurs, les autres pays ne font pas mieux. Nous sommes tous tributaires de la délivrance de laissez-passer consulaires et de lenteurs administratives, que j'essaie de combattre. Je n'atteindrai pas le taux de 100 % d'OQTF exécutées, mais je l'améliorerai. Pour le reste, donner des taux de 7 %, de 10 % et de 20 % ne repose sur aucune réalité administrative. Il serait intéressant de mesurer le temps moyen d'application d'une OQTF.
Par ailleurs, la majorité des départs sont volontaires. Comme tels, ils ne sont pas comptabilisés. Les départs au titre de l'aide au retour volontaire, versée en une fois par l'OFII après le départ, représentent 20 % des départs, les départs forcés 7 %. J'ignore si ce système est le bon, mais c'est le nôtre. Les Allemands ont ce qu'ils appellent une tolérance, qui offre une protection temporaire ne créant aucun droit, valable jusqu'à l'expiration du recours. Peut-être est-ce le bon calcul, mais, si j'étais venu devant vous pour vous annoncer que nous mettons un terme au régime des OQTF, vous m'auriez dit « Monsieur le ministre, vous cassez le thermomètre ! ». Ce que je propose, c'est la simplification drastique des procédures, pour améliorer fortement le taux d'application des OQTF. J'espère vous avoir démontré que cette façon de procéder est la bonne.
Quant aux 4 000 personnes étrangères suivies pour radicalisation, les articles 9, 10 et 13 du projet de loi me permettront de procéder à leur expulsion. À l'heure actuelle, je ne peux ni les interner dans un CRA, ni les mettre dans un avion. Toutes seront concernées. C'est pourquoi j'aurai du mal à comprendre que vous ne votiez pas ce texte de loi, qui offre aux Français une sécurité contre les multirécidivistes.