Monsieur le ministre, tous les jours entre dix heures et midi, votre compte X – anciennement Twitter – s'active ; vous y publiez une liste d'expulsions réalisées par vos services ; vous y pratiquez le name and shame – nommer et couvrir de honte – avec des motifs de plus en plus flous. Votre fil devient un mur de la honte où sont montrés du doigt les étrangers, des anonymes que vous exhibez comme des trophées de chasse. À quoi servent ces publications ?
Plutôt que d'essayer de mettre en valeur vos résultats en matière d'expulsion qui ne convainquent personne, pourquoi ne pas exposer la violence aveugle du patriarcat dont sont victimes les femmes, en mettant des visages sur les féminicides qui endeuillent chaque jour notre pays ? Au lieu de jouer les gros bras sur la dalle d'Argenteuil et d'affirmer vouloir nettoyer la France au Kärcher comme votre mentor, vous faites des pavés sur Twitter.
À vouloir démontrer que vous êtes ferme, vous attisez la haine des racistes en les abreuvant de faits divers. Avons-nous face à nous un ministre de la République ou un chroniqueur de CNews ? Vous cherchez tellement à occuper l'espace médiatique que vous révélez chaque jour un peu plus votre incompétence. Vous avez expulsé un prétendu délinquant qui s'avère être la victime d'un vol à l'arraché, qui plus est conjoint de Français ; un enfant français a été envoyé dans les Comores sur un délit de faciès ; un homme expulsé a dû être rapatrié en France parce que vous n'aviez pas daigné attendre le sort de son recours, et la justice vous a donné tort.
Quand allez-vous respecter et faire respecter le droit, plutôt que de draguer la droite ? Que ce soit le parti Les Républicains (LR) ou ses électeurs, ils ont déjà repoussé vos avances assez lourdes. Monsieur le ministre, il est temps d'arrêter les frais. Pour annoncer cette trentième loi sécuritaire, vous publiez une série de tweets pour exciter la pensée de droite. Vous usez de rhétoriques chères à M. Ciotti, Mme Le Pen ou M. Zemmour. Vous nourrissez les lubies xénophobes. Nous ne pouvons que constater l'échec au fil des ans de la stratégie consistant à faire un lien entre immigration et délinquance. L'immigration est un phénomène aussi vieux que l'humanité, qui connaît une crise d'accueil et de solidarité. Cessons son instrumentalisation permanente à des fins populistes.