Monsieur le ministre, comme vous l'avez dit dans Le Parisien, vous rêvez de supprimer l'AME. Le Sénat l'a fait pour vous.
Contrairement à ce que vous avez dit en introduction, on ne peut pas vivre de l'AME. Depuis 1893, l'aide médicale gratuite, dont l'aide médicale de l'État est l'héritière, résiste aux assauts démagogiques, xénophobes et racistes. Depuis 1893, elle subit des attaques à répétition, dont la dernière en date est la réforme de 2021, qui complique déjà le recours à l'aide médicale de l'État. Les exilés, confrontés au stress du statut migratoire et à sa précarité, aux expériences traumatisantes et aux obstacles sociaux et institutionnels, doivent être, au nom de nos valeurs humanistes, une population prioritaire en matière de santé publique.
Au lieu de cela, dans la France de l'égalité et de la fraternité, dans la France de 2023, dans la France dont vous rêvez, vous nous proposez de supprimer l'AME, qui est un dispositif élémentaire, garant du respect des droits de l'homme et des principes éthiques en matière de santé. L'AME, instaurée voilà 130 ans pour des enjeux de santé publique, repose sur des fondements essentiels. Des milliers de soignants et de médecins vous ont rappelé à l'ordre dans une tribune. Vous manipulez les Français avec de faux arguments économiques, vous agitez des peurs, vous alimentez les haines. Agiter le mythe de l'appel d'air est une diversion cynique – comme si un exilé prenait le temps de lire notre code de l'action sociale et des familles avant d'embarquer sur un bateau de fortune !
L'AME, c'est 0,4 % des dépenses d'assurance maladie, sur un total de 242 milliards d'euros. Il y a les grandes phrases, et il y a la réalité. Curieusement, vous n'évoquez jamais ce budget largement sous-utilisé. Plutôt que de vous attaquer aux délinquants financiers, vous préférez priver délibérément toute une population d'accès aux soins, prenant alors consciemment le risque de propager des maladies transmissibles.
En 2018, les prétendues fraudes à l'AME ont représenté 38 cas pour un montant équivalent à 500 000 euros, soit, 0,06 % des dépenses d'assurance maladie, c'est-à-dire 200 000 fois moins que les 100 milliards d'euros d'évasion fiscale.
Pourtant, monsieur le ministre, je ne vous ai jamais entendu prétendre à la suppression de l'évasion fiscale. Fort avec les faibles et faible avec les puissants, allez-vous laisser votre nom dans l'histoire comme celui qui mettra fin à 130 ans de solidarité ?