Ce projet de loi fait éclater au grand jour la discorde qui règne au sein de la majorité macroniste. Tout d'abord, notre attention a été attirée par les modifications calendaires de ce texte, annoncé à l'été 2022, puis remplacé par un débat sans vote dans l'hémicycle en décembre 2022. Voyant que ça coinçait dans la majorité, le Président de la République a envisagé, en mars 2023, de le saucissonner en deux projets distincts, l'un sur l'immigration, que vous défendez, monsieur le ministre, et l'autre sur le travail, porté par M. Dussopt – qui, soit dit en passant, a disparu des radars. Puis, un mois plus tard, le Président de la République s'est rétracté.
Monsieur le ministre, lorsque le président de la commission des lois annonce qu'il veut élargir les droits des étrangers extra-européens, notamment en leur octroyant le droit de vote et l'éligibilité aux élections municipales, et qu'il cosigne avec l'extrême gauche une tribune dans Libération soutenant la régularisation des clandestins, on se dit que, dans vos réunions de la majorité, il doit y avoir de l'ambiance !
Plus grave encore que cette instabilité de calendrier et ces petites peaux de banane que vous vous envoyez les uns aux autres, vous n'êtes pas d'accord entre vous sur le fond du texte. Un exemple : la transformation de l'aide médicale de l'État en aide médicale d'urgence (AMU). En octobre, monsieur le ministre, vous vous êtes dit favorable à cette évolution. Depuis lors, vos collègues Olivier Véran et Aurélien Rousseau, ainsi que Mme Borne, ont exprimé leur opposition à vos propos. Quant à Mme Firmin Le Bodo, ministre déléguée aux professions de santé, on ne sait pas trop ce qu'elle pense de tout cela. Vous avez alors dû sortir les rames pour essayer d'expliquer pourquoi vous avez changé d'avis à propos de l'AME. On vous a ainsi vu arguer qu'une suppression de l'AME serait censurée par le Conseil constitutionnel… Ce n'est pas très sérieux, quand on est ministre de l'intérieur, de n'en prendre conscience que maintenant.
Alors que près de trois quarts des Français souhaitent une transformation de l'AME en AMU, peuvent-ils nourrir l'espoir que vous retourniez encore votre veste sur ce sujet ? Si vous ne le faites pas, les 78 % de Français qui ont une mauvaise opinion de la politique migratoire de votre gouvernement n'ont aucune raison de changer d'avis.