Je remercie les rapporteurs de leurs observations et de leur positionnement, qui se situent dans l'esprit du texte du Gouvernement et des modifications que lui a apportées le Sénat. Je souscris à la plupart de leurs remarques.
Monsieur Serva, je suis favorable aux articles visant, territoire par territoire, les outre-mer. Le procédé est original, mais il permettra que chaque territoire ultramarin se sente respecté. De fait, les difficultés n'étant pas les mêmes à Mayotte qu'en Guyane ou à Saint-Pierre-et-Miquelon, il serait absurde de tout englober dans des dispositions générales sous un titre ultramarin, et insultant de renvoyer ces dispositions à une ordonnance. La situation est, en outre, différente à cet égard pour la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française, où le droit ne s'applique pas de la même manière que dans les territoires régis par l'article 73 de la Constitution. Menons ensemble, si les territoires le souhaitent, des consultations article par article pour aboutir à des dispositions particulières adaptées aux difficultés de chacun d'entre eux.
Le texte fait l'objet de nombreuses critiques, mais heureusement pas de la part de tous les députés. Je remercie tous ceux qui le soutiennent, notamment les députés du groupe LIOT, qui expriment des réserves que je suis prêt à entendre. Je constate toutefois que les plus critiques ne formulent pas beaucoup de propositions, et c'est un peu dommage. Mieux vaudrait en effet parler du texte de loi tel qu'il existe, modifié par le Sénat, plutôt que d'une version inventée où on ne le retrouve pas toujours. Ainsi, une durée de rétention de dix-huit mois n'y figure pas – mais peut-être les choses seront-elles plus simples quand nous examinerons le texte article par article et amendement par amendement, avec moins de suivi médiatique.
Je tiens à souligner, à l'intention des députés du groupe Rassemblement national, que le texte ne vise évidemment pas l'immigration régulière, mais l'immigration irrégulière. Du reste, à moins d'être purement et simplement opposé à l'immigration – ce qui ne me semble pas être ce qui ressort de vos propos, ni de ceux de votre candidate à l'élection présidentielle –, mieux vaut une immigration régulière qu'une immigration irrégulière. L'immigration régulière devrait faire l'objet d'un débat – c'est ce que nous souhaitons et ce qui se fait dans tous les pays au monde : qu'ils choisissent de l'organiser par quotas, par objectifs, par métiers ou par zones géographiques, les grands pays démocratiques ont toujours une immigration régulière. Évoquer le nombre de titres de séjour que nous délivrons n'a, ainsi, pas beaucoup de sens, car ce qui compte est de savoir si nous sommes capables de lutter contre l'immigration irrégulière.
Par ailleurs, vous faites semblant de ne pas voir que vos dispositions n'empêcheront en aucun cas les demandes d'asile, car ni votre programme, ni les politiques de nos voisins européens qui s'inspirent parfois de la vôtre ne démontrent leur efficacité. La comparaison avec d'autres pays européens qui connaissent à peu près les mêmes difficultés que la France est à cet égard intéressante.
D'abord, c'est une contrevérité flagrante que de dire que la France est le pays qui offre le meilleur taux de protection. En effet, ce taux est d'environ 25 % à l'Ofpra et, par des mesures de justice administrative, en première instance ou en appel, de 40 % après passage devant la CNDA, contre 46 % en Allemagne et de 62 % chez vos amis Italiens. Parmi les trois grands pays comparables, la France est donc celui qui présente le moindre taux de protection accordée aux demandeurs d'asile – en d'autres termes, c'est en France qu'on a le moins de chances de l'obtenir, alors que nous avons à peu près le même nombre de demandeurs. La situation est donc assez difficile, monsieur le député, pour que vous puissiez vous abstenir de dire des idioties qui sont des contrevérités flagrantes, sans quoi nous ne parviendrons pas même à nous entendre sur le constat.
Ce qui est inquiétant, c'est que nous ne disposons d'aucune possibilité de trouver d'autres solutions que celles que nous poursuivons, à savoir une simplification drastique des procédures.
En Grande-Bretagne, M. Boris Johnson a été élu sur un programme politique qui est grosso modo le vôtre – à savoir le Frexit. Vous êtes en effet favorables à ce que la France sorte de l'Union européenne et des traités européens, et même, à ce que j'entends dire, de la Convention européenne des droits de l'homme – peut-être cela fait-il désormais débat dans vos rangs, mais ce n'est pas grave. Toujours est-il que, depuis qu'il est sorti des traités européens, le Royaume-Uni n'a jamais connu autant d'immigration irrégulière, ni aussi peu d'expulsions du territoire britannique – 5 000 expulsions par an, pour 1 million d'étrangers irréguliers, contre 20 000 à 22 000 en France, avec environ deux fois moins d'immigration irrégulière.
La Cour suprême du Royaume-Uni – ce pays qui, selon les partisans du Brexit, a retrouvé sa souveraineté – vient de dire au gouvernement de ce pauvre M. Sunak, qui doit désormais assumer l'héritage de M. Johnson, que non seulement le projet d'expulser les immigrés au Rwanda ne tenait pas debout – de fait, ni le Danemark, ni la Grande-Bretagne, ni personne n'a jamais envoyé un réfugié au Rwanda –, mais qu'il resterait impossible à appliquer même si la Grande-Bretagne sortait de la CEDH. Pour appliquer votre programme, monsieur le député, ce n'est pas de la CEDH ou de l'Europe qu'il faudait sortir, mais bel et bien du monde – ce qui est évidemment difficile. À en croire la Cour suprême britannique, vous jetez de la poudre de perlimpinpin, car vous savez que c'est trompeur.
En Italie, où Mme Meloni applique une autre solution en promettant un blocus naval – que nous ne voyons pas venir – et la fin de l'immigration irrégulière grâce à un projet de loi, il n'y a jamais eu autant d'immigration irrégulière que depuis cinq ans, au point que Mme Meloni, fort raisonnablement, a appelé à son secours la Commission européenne et Mme von der Leyen.
La solution anglaise et la solution italienne sont toutes deux des échecs. De fait, la question de l'immigration est très difficile et, en la matière, nos voisins ne réussissent pas mieux que nous – ils font même parfois bien pire. Mme Meloni, après avoir appelé à l'aide Mme von der Leyen, qui s'est rendue à Lampedusa, a voté, sur proposition de la France, notre pacte migratoire fondé sur Eurodac et le règlement « screening » – j'y suis particulièrement attentif en tant que représentant la France depuis trois ans et demi aux conseils des ministres de l'intérieur européens.
Les éléments de comparaison dont nous disposons quant à l'application du programme du Rassemblement national à l'étranger montrent bien que ce sont des mensonges à l'intention des Français. Si vous avez des contre-exemples, je suis preneur, mais vous n'êtes capables de citer aucun pays où l'arrivée de populistes tels que vous se serait traduite, dans le domaine de l'immigration, par des résultats en termes de protection de la population. En revanche, nous en connaissons deux qui ont essayé d'appliquer une partie de vos présupposés et qui en ont retiré des échecs flagrants.
Vous pourriez au moins vous en rendre compte et reconnaître que le texte – dont vous n'avez pas parlé, mais dont j'espère que nous parlerons au cours du débat – offre des avancées en matière de lutte contre l'immigration irrégulière, de pénalisation des passeurs ou de simplification administrative. J'observe, à cet égard, un décalage entre les propos de votre candidate et présidente de votre groupe, d'une part, et ceux que vous tenez désormais, d'autre part.
Madame Martin, j'ai entendu répéter plusieurs fois que vingt-neuf textes avaient été consacrés à l'immigration depuis 1983. La belle affaire ! Ce n'est pas parce qu'un argument est répété qu'il est vrai. Ceux qui, comme M. Saulignac ou M. Lucas, ont participé à des majorités soutenant les gouvernements de M. Hollande se souviennent que trois textes sur l'immigration ont été adoptés en quatre ans sous ce président, tandis qu'un seul l'a été en six ans de mandat de M. Macron. Monsieur Lucas, M. le président de la commission des lois m'indique que vous avez été président du Mouvement des jeunes socialistes (MJS), mais si vous émettez une critique, c'est à la gauche qu'elle s'applique. Toujours est-il que je ne fais pas grief à M. Hollande de ces mesures, car il faut, par définition, adapter notre législation au mouvement des hommes et aux difficultés.
Voilà quinze ou vingt ans, les ministres de l'intérieur qui m'ont précédé avaient des relations diplomatiques avec le Sahel, le Mali, la Libye, l'Irak et l'Afghanistan, ce qui n'est plus du tout le cas aujourd'hui. Les réfugiés climatiques sont un phénomène assez nouveau et il n'y a que quatre ou cinq ans que 25 à 30 millions de personnes sont déplacées dans le monde, soit 60 000 personnes par jour : ce n'était pas le cas voilà vingt ans. La question de la pénalisation des relations sexuelles et la situation des personnes transgenres sont elles aussi des questions très nouvelles, du moins pour les gouvernants, qui ne se posent que depuis quelques années, et certainement pas depuis vingt-cinq ou trente ans. Face aux actes de terrorisme de Daech ou de l'État islamique et à des difficultés très fortes, il était normal que le président Hollande propose des dispositions. Évitons donc les arguments populistes. Je m'adresse aux partis de gouvernement : vous qui avez fait trois lois en quatre ans, laissez-nous en faire une durant un quinquennat. La loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie, ou loi Collomb, a ses inconvénients, mais aussi des avantages certains. Ainsi, la réduction d'un an à cinq mois de la durée d'examen des dossiers des demandeurs d'asile a changé la vie de dizaines de milliers de personnes. Je n'ai rien contre les comparaisons mais, monsieur Lucas, si nous étions aussi durs que vous le dites, pourquoi, en Allemagne, le gouvernement des Verts et des socialistes prend-il des dispositions bien plus dures que les nôtres ? Regardez donc ce qui se passe à côté de chez nous : si je vous parais trop dur, il est urgent d'exclure de l'internationale verte vos collègues Verts allemands ! Vous en riez vous-même, car il s'agissait là d'un argument de tribune auquel ne croyez certainement pas.
Monsieur Saulignac, monsieur Lucas, vous parvenez, à vous deux – pour m'en tenir aux partis de gouvernement et sans compter les interventions de La France insoumise ou du parti communiste –, à parler huit minutes sans évoquer un seul instant les progrès sociaux qu'apporte ce texte et que vous avez pourtant réclamés depuis cinquante ans lorsque vous étiez dans l'opposition, sans jamais les réaliser lorsque vous étiez dans la majorité.
Ainsi, vous n'avez pas parlé de la fin de la présence des mineurs dans les centres de rétention administrative, belle idée de gauche que tout le monde réclame depuis cinquante ans – qu'il s'agisse du Défenseur des droits ou du Défenseur des enfants, de la Cour européenne des droits de l'homme et ou de l'ensemble des associations. C'est nous qui le faisons, et vous avez préféré caricaturer le propos, parce que cela vous servait. C'est tout de même incroyable !
Au Sénat, j'ai donné un avis favorable à la proposition du groupe socialiste de fixer la limite à 18 ans. Le Sénat ne l'a pas voulu, mais j'ai annoncé que je recommencerai ici. Or, vous n'avez pas eu un mot pour dire que c'est nous qui faisons en sorte qu'il n'y ait plus de mineurs dans les centres de rétention administrative, car vous préférez camper sur des positions idéologiques. Nous devrions pourtant tous être satisfaits de constater que, ce que le gouvernement socialiste n'a jamais fait, ni sous M. Jospin, ni sous M. Hollande, ni sous M. Mitterrand, nous le faisons.
Les cours gratuits pour les étrangers, réclamés à chaque instant par toutes les associations, c'est nous qui le faisons. On peut désormais apprendre le français pendant ses heures de travail, payé par l'employeur. C'est un magnifique progrès social, qui évitera à la femme de ménage qui fait une heure et demie de RER pour venir travailler à quatre heures du matin, puis une autre heure et demie pour rentrer, d'aller reprendre des cours à quinze heures, au moment où elle doit s'occuper de ses enfants, de sa famille ou, tout simplement, de sa vie.
Le titre de séjour accordé aux personnes exploitées est une idée formidable, développée en co-construction avec le groupe communiste au Sénat – lequel n'a manifestement pas la même position que Mme Faucillon, mais c'est un autre sujet que je vous laisserai trancher entre communistes. C'est très cohérent, mais cela ne vous fait pas réagir, car vous avez une vision très théorique de l'immigration et de l'exploitation des personnes, et vous n'osez pas dire que des progrès importants ont été réalisés. Que tout ne vous satisfasse pas, je l'entends bien, car cette loi n'est évidemment pas celle de La France soumise ou du parti communiste, et je mesure la différence abyssale qui nous sépare sur certains points, mais vous pourriez au moins dire que, pour certaines de ses dispositions, ce texte n'est pas voué aux gémonies.
Madame Genevard, qui peut le plus peut le moins. J'entends les arguments constitutionnels et conventionnels, mais le cas de la Grande-Bretagne a démontré que, même en sortant des traités européens – ce qui n'est certes pas exactement ce que vous prônez, mais nous en reparlerons lors de l'examen de votre proposition de loi constitutionnelle –, et même en écrasant les règles de la CEDH, il y aura toujours des dispositions qui s'imposeront et il y aura toujours des juges qui rendront un avis, y compris au nom de principes qu'ils créeront eux-mêmes.
Je sais que vous ne souhaitez pas remettre en cause la séparation des pouvoirs. La question est donc de savoir quelles adaptations nous pouvons apporter dans le cadre de notre Constitution et de la Convention européenne des droits de l'homme. Il s'agit là d'un débat constitutionnel. Nous pensons que nous pouvons largement améliorer les choses avec la loi ordinaire, sans renier nos principes ni tourner le dos aux engagements européens de la France et à tous les traités européens poussés par tous les présidents de la République qui appartenaient à votre famille politique, du général De Gaulle à Nicolas Sarkozy. Une fois donc écartée cette approche constitutionnelle et conventionnelle, et sachant que nous aurons un jour ce débat, reste tout ce qui ne relève pas de la Constitution ni de la CEDH, mais du pouvoir souverain de la France et du pouvoir du législateur.
Êtes-vous pour ou contre le fait d'imposer, comme le font tous les pays européens sauf deux, un examen de français pour obtenir un titre de séjour long ? Pour ou contre l'augmentation de la durée d'assignation à résidence pour les personnes dangereuses, comme le prévoit le texte ? Pour ou contre la possibilité de la coercition pour prendre les empreintes des étrangers afin de savoir s'ils sont mineurs ou majeurs et de connaître leur identité – mesure que nous ne sommes, là encore, que deux pays à ne pas appliquer ? Pour ou contre la criminalisation des passeurs, dont l'activité est un délit chez nous, alors que, partout ailleurs, c'est un crime ? Pour ou contre le retrait du titre de séjour pour adhésion à une idéologie radicale ? J'entends dire, en effet, que vous êtes favorables au retrait des titres de séjour et à l'expulsion, par exemple, des salafistes ou des Frères musulmans, alors qu'il n'existe aucune disposition en ce sens. Pour ou contre la simplification des procédures proposée par M. Buffet lui-même, dont nous reprenons in extenso le rapport ? Pour ou contre la suppression des dispositions qui empêchent aujourd'hui le ministre de l'intérieur d'expulser des étrangers délinquants, par exemple parce qu'ils sont arrivés sur le territoire national avant l'âge de 13 ans – restriction adoptée au début des années 2000 et que la France est seule à appliquer, et sur laquelle le Conseil d'État a expressément déclaré que le législateur pouvait revenir à son gré ? Pour ou contre une application de droits particuliers à Mayotte ou en Guyane, comme l'ont fait voter les sénateurs mahorais ou guyanais ? Ce sont là autant de dispositions qui ne dépendent ni de la CEDH, ni de la Constitution.
Il existe évidemment, madame Genevard, des points sur lesquels nous avons des désaccords mais, sans revenir sur les dispositions que vous avez évoquées au début de votre intervention, et à propos desquelles le président de la commission des lois avait invoqué avant votre arrivée le principe d'irrecevabilité, je répète que certaines choses qui figurent dans ce texte ne relèvent pas d'une réforme constitutionnelle.
Ce serait laisser penser que nous ne voulons pas avancer que de ne pas donner à nos policiers des choses aussi simples que, par exemple, les moyens de contrôler les véhicules de moins de neuf places à la frontière italienne. De même, aujourd'hui, dans la bande des 20 kilomètres, les policiers ne peuvent pas arrêter des passeurs qui transportent des moteurs de bateau entre le Nord et la Belgique pour traverser la Manche. Avons-nous besoin, pour leur donner ces moyens, d'une réforme constitutionnelle ?
Il y a certes des débats de nature européenne et constitutionnelle, que je ne veux pas trancher ici, et il peut y voir des désaccords, mais j'ai du mal à comprendre pourquoi il faut absolument changer la Constitution ou la Convention européenne des droits de l'homme pour adopter pour des choses aussi bêtes que chou qui empêchent concrètement nos policiers, nos gendarmes et nos préfets de faire leur travail et d'améliorer l'intégration. Je forme donc le vœu que nous puissions y réfléchir ensemble.
Enfin, je suis très favorable au lien qui devrait être établi, comme l'a souligné notamment M. Marcangeli, entre les visas et les laissez-passer consulaires (LPC). Il faut aider le Gouvernement à dire aux pays qui ne délivrent pas de LPC qu'il ne peut pas y avoir de visas sans discussions diplomatiques ni, parfois, de contraintes. Le Sénat a imaginé des dispositions en ce sens, mais je dois dire à la majorité qu'elles figuraient dès 2019 parmi les propositions du comité interministériel, et que le Président de la République a évoqué lui-même la difficile question de la conditionnalité de l'aide au développement pour certains pays qui ne jouent pas le jeu des laissez-passer consulaires ou qui persécutent une partie de leur population pour des raisons sexuelles ou religieuses. Ce débat est original et compliqué, mais il mériterait que nous l'ayons.
Enfin, il n'est pas tout à fait exact de dire que tous les ajouts qui ont fait passer le texte de vingt-sept à quatre-vingt-dix articles auraient été rédigés par le Sénat. Une vingtaine d'articles ont en effet été ajoutés par le fait du Gouvernement, avec vingt-six amendements que j'ai des moi-même proposés. On peut donc dire qu'il y a eu co-construction à 50-50, avec de nombreuses dispositions irrecevables, vingt-six amendements adoptés par le Sénat ayant créé autant d'articles qui introduisent notamment des dispositions difficiles intéressant tout le monde, comme l'asile en rétention, dont c'est la première apparition, la prolongation de la durée maximale de l'assignation à résidence, le raccourcissement des délais entre déplacement et rétention, ou la réforme du juge des libertés et de la détention (JLD), qui n'est pas non plus de nature constitutionnelle.
Il est évident qu'il est difficile de gérer le ministère de l'intérieur et de mener une politique migratoire, et qu'il y a, en la matière, des échecs. Ce que je viens demander au Parlement, ce sont des moyens supplémentaires pour être plus efficace.
Ce texte ne règle pas tout, et il faut trouver un équilibre, que chacun, dans son groupe politique, placera où il le souhaite. Cependant, le ministre de l'intérieur que je suis et tous les services placés sous son autorité – quel que soit le ministre – font le maximum de ce qu'ils peuvent avec les moyens dont ils disposent, puisqu'ils respectent les règles de la République.
À cet égard, un exemple très intéressant est celui de M. Iquioussen, qui se trouve depuis plus de cinquante ans sur le territoire de la République, a quatre enfants majeurs nés en France, est propriétaire et s'est marié en France, qui n'a rien fait et n'a aucun casier judiciaire, mais qui est un imam radical, que nous surveillons comme tel et qui est fiché S : depuis des années, l'État se demande comment se débarrasser de ce nauséabond Monsieur. J'entends les exclamations des députés du groupe La France insoumise – heureusement que vous n'avez jamais été à la tête de l'État !
La loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République, que vous avez votée, fixe un principe général : pour lutter contre le séparatisme, qui se situe entre la vie normale et la radicalisation ou le passage à l'acte terroriste, nous avons défini une disposition permettant d'écarter les gens qui touchent profondément le fonctionnement de notre nation. Fort de cette loi, j'ai fait procéder par le préfet du Nord à l'expulsion de M. Iquioussen, dans des conditions très difficiles. Au bout du compte, il n'est plus sur le territoire national, ayant appliqué lui-même cette décision de ne plus rester et de ne plus revenir sur le territoire national, ce qui est une très bonne chose.
Il est vrai que le tribunal administratif m'a donné tort, parce que ce Monsieur s'était marié et avait eu quatre enfants en France mais, à la fin des fins, le Conseil d'État me donne raison. C'est cela, être ministre de l'intérieur : on a parfois les mains dans le cambouis. Parfois on réussit, et parfois on ne réussit pas. Parfois, on va montrer au juge que telle personne est dangereuse et mortifère, en s'éclairant à la lumière de l'esprit du législateur, et au bout du compte, on vous donne raison. Je n'en tire aucune gloriole particulière, mais encore faut-il pouvoir aller devant le juge. De fait, il y a chaque année 4 000 délinquants étrangers dont je ne peux même pas demander l'expulsion, car vous ne m'y autorisez pas, en vertu d'une loi que vous avez votée voilà vingt ans. Je ne suis pas un ministre-dictateur tout-puissant.
Les ricanements de La France insoumise n'apportent rien en la matière, et la démocratie gagnerait à ce que nous ayons un débat digne. Il ne suffit pas d'avoir un discours humaniste à l'extérieur : il faut aussi traiter sérieusement les personnes. Il est ici question de l'intérêt général et de la sécurité des personnes. Je pourrais, je le répète, expulser 4 000 personnes de plus par an si la loi m'y autorisait.
Sur plus de 3 000 demandes d'expulsion que j'ai formulées, 2 500 personnes ont été expulsées en 2023. La justice, que je respecte profondément, m'a refusé 500 expulsions et il y en a 4 000 supplémentaires que je ne peux pas effectuer parce que vous n'avez pas voté cette disposition. Il faudra donc que nous en parlions – et que nous en parlions à nos électeurs.