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Intervention de Elsa Faucillon

Réunion du mardi 21 novembre 2023 à 17h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaElsa Faucillon :

Je veux commencer par dire combien les débats au Sénat, les mots choisis pour parler des personnes exilées marquent, ou peut-être d'ailleurs confirment un basculement. De très nombreuses propositions tournent le dos, ni plus ni moins, à toute volonté d'intégration dans notre pays de personnes étrangères. Elles se rapprochent finalement du principe de la préférence nationale et je crois qu'elles ne font pas que flirter avec de grands poncifs racistes. Elles illustrent en fait assez bien les propos, que je trouve très inquiétants, de Pierre Brochand, qui expliquait il y a peu que nous sommes ligotés par notre État de droit. Je pense profondément le contraire et je crois que le laisser-faire du Gouvernement au cours des débats au Sénat est particulièrement coupable, en ce qu'il légitime une vision suspecte de l'étranger. Cela n'a rien d'étonnant, finalement, puisque vous avez ouvert un boulevard à ces idées, dans un contexte politique hystérisé par les mythes de l'appel d'air et du grand remplacement. Pourtant, je le rappelle, la France n'est pas le plus grand pays d'immigration en Europe, tant s'en faut, ni celui qui y accueille le plus de réfugiés. Notre pays n'a jamais accueilli de grandes vagues de réfugiés dans des proportions correspondant à sa population ou même à sa richesse.

Sous couvert de la lutte contre ce chimérique appel d'air, ce sont les droits des personnes qui sont bafoués. Certes, cette réforme accélère ou cherche à accélérer les procédures d'examen des demandes d'asile, mais elle le fait au détriment des droits individuels. Elle accentue la mise sous contrôle des demandeurs d'asile, facilite les expulsions, durcit les conditions d'accès aux titres de séjour, affaiblit les droits et garanties des personnes étrangères.

Le projet de loi s'inscrit dans un récit aux racines xénophobes qui cherche à établir un trait d'union abject entre immigration et délinquance – un discours que vous relayez volontiers, monsieur le ministre, en usant de vocables manichéens désignant les gentils et les méchants. Heureusement, de merveilleux auteurs pour la jeunesse, comme Tomi Ungerer, sont passés par là pour expliquer à nos enfants que le monde est un tout petit peu plus compliqué que cela. Vous véhiculez ce discours par des tweets quotidiens et des circulaires invitant à multiplier les OQTF – tout en sachant que, dans bien des cas, elles ne sont pas possibles – et le placement en rétention des auteurs de troubles à l'ordre public – une notion très large et arbitraire. Le volet « méchants » est donc bien présent ; il se traduit par une véritable criminalisation des migrants et, au passage, des assauts de solidarité, au mépris de nos engagements conventionnels.

À côté de cela, le projet de loi comporte des lacunes fondamentales : je pense notamment à la question de l'hébergement immédiat, de l'accueil inconditionnel. Ce qui est en jeu, ici, ce n'est pas tant le laxisme ou la fermeté de vos politiques migratoires, mais le désordre qu'elles provoquent. Personne ne peut accepter que des personnes exilées se retrouvent à la rue, dans des campements : ni les intéressés, ni nous-mêmes, ni les riverains. La seule réponse possible est évidemment de faire en sorte que ces personnes soient hébergées, qu'elles puissent travailler et que les enfants soient scolarisés. L'accueil est bon non seulement pour le respect des droits, mais aussi pour notre cohésion sociale.

La régularisation des travailleurs sans papiers a visiblement été réduite, dès le projet de loi initial, à une approche utilitariste limitée aux seuls métiers en tension. Nous combattrons évidemment cette idée, en défendant une régularisation de toutes et tous par le travail.

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