Permettez-moi tout d'abord de vous exprimer le plaisir que j'éprouve à rejoindre votre commission pour l'examen des textes de loi sur l'immigration, à savoir le projet de loi issu des travaux du Sénat et la proposition de loi constitutionnelle des Républicains, pour lesquels j'ai l'honneur d'être oratrice au nom de mon groupe.
Monsieur le ministre, nous vous auditionnons aujourd'hui en préalable à l'examen de votre projet de loi destiné à contrôler l'immigration et améliorer l'intégration. Initialement composé de vingt-sept articles, le texte en comporte désormais quatre-vingt-seize : c'est dire combien les travaux menés par nos collègues sénateurs l'ont transformé en profondeur.
La fermeté des sénateurs est à nos yeux justifiée face à une situation migratoire hors de contrôle. Chacun connaît les chiffres : ils sont plus qu'alarmants. Comment s'étonner, dès lors, que 74 % des Français rejettent la politique du Gouvernement en matière migratoire ? Cette opinion est un fait qui nous met en face de nos responsabilités. Je dirais même que c'est l'heure de vérité. Notre pays est à la fois laxiste et impuissant. C'est donc du côté de la fermeté qu'il faut aller car en matière d'ouverture, nous sommes, si j'ose dire, largement pourvus. Les chiffres disent une réalité dont nous n'avons pas le droit d'ignorer les conséquences en matière d'insécurité, de perte de souveraineté, de perte de cohésion nationale, de déséquilibres financiers et sociaux. Assouplir et durcir : « l'impossible oxymore », pour reprendre l'expression de Pierre Brochand.
Ce texte permettra-t-il de remédier au problème ? Le Sénat s'y est employé et a produit un texte qui, mesure après mesure, corrige l'existant – nous aurons matière à le corriger encore –, mais qu'en ferez-vous ? Les premières déclarations de membres de votre majorité, ce soir encore, conduisent à nourrir bien des inquiétudes. Concernant les métiers en tension, certains veulent revenir à la rédaction initiale, qui crée une nouvelle filière d'immigration et de nouvelles sources de contentieux, alors que le taux de chômage des immigrés s'élève à 16 % et que le taux de chômage en catégorie A augmente – funeste « en même temps ». Si les régularisations, que la France conduit massivement depuis 1981, avaient résolu les problèmes et tari les flux, ça se saurait. « Régulariser les clandestins dans les métiers en tension, c'est amorcer une pompe inépuisable », nous dit encore l'ancien directeur général de la sécurité extérieure.
Quant à l'AME, qui n'est que l'un des onze dispositifs existants en matière de santé des étrangers, certains, dans votre majorité ou au Gouvernement, exigent sa restauration en caricaturant le dispositif que nous proposons de lui substituer, lequel garantit pourtant la protection de la santé publique.
La principale raison qui nourrit nos doutes quant à l'efficacité de ce texte est qu'il ignore délibérément les freins à son application. Exécuter les OQTF ou les expulsions, instituer des plafonds migratoires ou durcir les conditions d'accès au regroupement familial, pour ne citer que ces exemples, sont autant de mesures qui se heurteront au droit conventionnel et à sa jurisprudence, ainsi qu'aux cours souveraines nationales. La gestion de l'immigration de notre pays est largement dictée par des dispositions supranationales. Seule une réforme de la Constitution assurera donc la pleine effectivité de ce texte et redonnera à la France le droit d'accueillir sur son sol qui elle veut et la possibilité de se protéger d'une immigration massive et subie qui porte atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation. Vous le savez pertinemment, monsieur le ministre, tout comme le Président de la République.
En conséquence, nous avons déposé une proposition de loi constitutionnelle qui, seule, nous permettra de reprendre le contrôle. Nous verrons bien, lors de son examen, le 7 décembre prochain, ce que le Parlement souverain en dira. Monsieur le ministre, comprenez bien que les Républicains, parfaitement conscients des enjeux, entendent éviter que cette loi soit la quarantième d'une longue liste de textes inutiles ou inefficaces. Nous voulons un vrai changement de paradigme : non pas gérer les flux migratoires, mais en finir avec l'immigration de masse.