La liberté, c'est l'esclavage, l'ignorance, c'est la force : tel est l'esprit de votre loi, monsieur Darmanin. Que ce soit La France insoumise, la gauche, les associations, les collectifs, les syndicats, les institutions ou les avocats, personne n'est dupe ! Dans le contexte de l'attaque d'Arras, vous avez défendu votre loi comme étant la plus dure et la plus ferme qui ait été présentée depuis trente ans et comme une réponse au terrorisme. En quoi une dégradation majeure des droits permettrait-elle de lutter contre le terrorisme ?
Votre projet est mensonger. Il est fondé sur le postulat selon lequel notre pays serait submergé par une prétendue vague migratoire. Or, notre pays se trouve à la vingtième place, au sein de l'Union européenne, pour le nombre de réfugiés accueillis rapporté à la population, ce qui va à contre-courant des mythes que vous vous plaisez à alimenter.
Votre projet est superflu. C'est le vingt-neuvième texte sur l'immigration depuis 1983. Il s'agit toujours de courir inlassablement derrière la politique du chiffre.
Votre politique et votre projet sont trompeurs. L'inflation législative n'a aucunement pour but de développer une politique digne pour tous, comme nous le demandons. Elle vise au contraire à rendre notre pays de plus en plus hostile à celles et ceux qui pourraient espérer y trouver des conditions d'existence dignes, et même aux personnes qui, d'une façon légitime, au sens premier du terme, devraient pouvoir y trouver protection et asile. Le démantèlement du système d'asile que votre texte entérinerait est représentatif de cette tendance.
Votre texte est dangereux. En effet, nous assistons, du fait d'une dégradation inédite des droits des étrangers et du droit d'asile, à une insupportable inversion de la hiérarchie des normes. Le droit humain, le droit de l'enfant, tout cela est passé par-dessus bord – comme d'autres droits, comme des humains.
Votre projet est inhumain. Vous avez recours à des concepts malléables à souhait pour justifier le durcissement des mesures d'éloignement et la prétendue augmentation des taux d'exécution au détriment des personnes malades et des enfants, en méconnaissance de la réalité de la procédure en matière de droit des étrangers et de son application.
Votre projet est un projet de division entre les uns et les autres, entre ceux qui sont ici et ceux qui voudraient pouvoir s'y installer. Dans votre vision, étranger rime avec criminel, migrant avec humain aux moindres droits, alors même que les sciences humaines s'accordent unanimement sur l'absence de lien entre l'immigration et la délinquance.
Vous avez ouvert la porte à toutes les régressions. Évidemment, et vous le saviez, la droite sénatoriale s'y est engouffrée, reprenant et adoptant les pires dispositions : retrait du titre de séjour pour motif d'adhésion au djihadisme – alors que les dispositions de la loi séparatisme à ce sujet ont été censurées par le Conseil constitutionnel –, allongement de la durée de rétention administrative maximale de trois à dix-huit mois, comme dans l'Italie de Meloni, suppression de l'AME, alors même que huit personnes éligibles sur dix n'y ont pas recours, selon les données de Médecins du monde.
Vous prétendez être juste au motif que votre projet de loi vise à régulariser les travailleurs étrangers dans les métiers en tension. Nous n'accepterons pas cette vision utilitariste et hypocrite des travailleurs.
Vous entendez réformer nos institutions, en particulier la procédure d'asile, dont la France pourrait être fière, sous prétexte de vouloir réduire les délais et rapprocher les demandeurs des structures. Nous n'accepterons pas que vous mettiez définitivement à bas l'impartialité de la CNDA, pas plus que nous n'admettrons la fin de l'indépendance de l'Ofpra. Au pays des droits de l'homme, tous les humains sont égaux, mais selon vous, il y en a qui sont plus égaux que d'autres.