Les sujets qui m'échoient sont particulièrement sensibles : le titre II vise à améliorer le dispositif d'éloignement des étrangers représentant une menace grave pour l'ordre public et à mieux tirer les conséquences des actes des étrangers en matière de droit au séjour ; le titre II bis, entièrement constitué d'articles issus du Sénat, comporte des dispositions visant à agir pour la mise en œuvre effective des décisions d'éloignement.
Même si nous avons mené de nombreuses auditions et eu des échanges avec les services du ministère, notre discussion générale intervient relativement tôt. Elle me paraît donc être l'occasion de faire part des convictions qui sont les miennes, des sujets sur lesquels mon opinion n'est pas arrêtée et des questions sur lesquelles M. le ministre pourra peut-être nous éclairer. C'est donc avec beaucoup de prudence et de modestie que je formule ces premières analyses.
Le titre II comporte des dispositions ambitieuses abordant des questions sensibles et engageantes pour notre société. Les articles 9 et 10 prévoient d'assouplir le régime de protection dont bénéficient certaines catégories de ressortissants étrangers en raison des liens d'attachement qu'ils entretiennent avec la France. Cette mesure est conçue pour faciliter les décisions d'expulsion et le prononcé de la peine d'interdiction du territoire français (ITF). Ces dispositions ont subi des modifications significatives au Sénat. Notre responsabilité est de travailler ensemble à établir un équilibre, en accord avec les principes constitutionnels et conventionnels qui guident notre démarche.
L'article 11 permet le relevé signalétique des étrangers sans leur consentement. S'y refuser est un délit. Cette mesure me semble proportionnée à l'enjeu. Le Sénat l'a encadrée de garanties, dont il faudra s'assurer qu'elles ne nuisent pas à son caractère opérationnel.
L'article 12, qui interdit la présence de mineurs de moins de 16 ans en centre de rétention administrative (CRA), est une avancée majeure. Je suis convaincu que nous poursuivrons la réflexion à ce sujet au cours de nos travaux.
L'article 13 prévoit d'encadrer la délivrance, le renouvellement et le retrait de titres de séjour, selon des critères sur lesquels nous devrions tomber d'accord. Ne pas laisser se maintenir sur notre territoire des étrangers constituant une menace grave pour l'ordre public et exiger des titulaires d'un titre de séjour de longue durée une résidence habituelle en France sont des mesures de bon sens, qui ne devraient pas susciter de vaines polémiques. Tel est aussi le cas du respect des principes de la République, cette fois précisément définis, contrairement à la tentative législative de 2021. Cette mesure ne fait qu'étendre le champ d'une disposition en vigueur. Elle est de nature à favoriser l'intégration des étrangers. Le Sénat a renforcé ses dispositions selon des modalités dont l'opportunité n'est pas pleinement assurée, ce dont nous aurons tout loisir de débattre.
Le titre II bis comporte diverses mesures, dont certaines ne sont pas dénuées de sens et d'autres soulèvent des interrogations. L'article 14 A permet de faire dépendre de la bonne coopération migratoire la délivrance de visas de long séjour et le montant de l'aide publique au développement (APD). Cette disposition, qui n'est pas sans intérêt, peut être améliorée pour en accroître l'efficacité. Tel est aussi le cas de l'article 14 B, qui rend obligatoire l'information par les préfets des organismes de sécurité sociale et de Pôle emploi sur les décisions d'OQTF et crée une obligation de radiation une fois la décision devenue définitive. Des améliorations visant à rendre cette disposition plus opérationnelle sont possibles. De même, les dispositions de l'article 14 C visant à allonger la durée maximale d'assignation à résidence d'un étranger faisant l'objet d'une OQTF paraissent de nature à améliorer la mise en œuvre effective des mesures d'éloignement.
L'opportunité de l'article 14 D est douteuse, dans la mesure où le versement en une fois de l'aide au retour est d'ores et déjà garanti par un texte réglementaire. L'article 14 E m'inspire la même prudence, dans la mesure où il réintroduit dans la loi une disposition qui en avait été supprimée, à raison, par la loi du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie.
J'espère que nous débattrons de ces questions avec l'exigence, la précision et le sérieux qu'elles exigent, dans un climat serein et constructif.