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Intervention de Florent Boudié

Réunion du mardi 21 novembre 2023 à 17h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFlorent Boudié, rapporteur général :

Je rappellerai les principales orientations du texte initial du projet de loi pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration, adopté par le Sénat le 14 novembre dernier.

Premièrement, nous voulons déployer des stratégies supplémentaires et des voies nouvelles d'intégration, notamment par l'apprentissage du français. Cette mesure, de nombreux gouvernements ne l'ont pas prise par le passé. Nous voulons aussi mettre un terme à des situations de maltraitance à l'égard de bon nombre d'étrangers présents sur notre sol, notamment par le biais de l'interdiction de la rétention administrative des mineurs. Tel est aussi l'objectif de la régularisation des travailleurs dans les métiers en tension – tous les employeurs n'étant pas de bonne foi –, de la lutte contre les passeurs et de la lutte contre les marchands de sommeil, qui maintiennent des étrangers dans des conditions de logement inhumaines.

Deuxièmement, nous voulons renforcer l'efficacité de l'expulsion des étrangers délinquants, considérant que leur place n'est pas sur le sol de la République. Tel est notamment le sens de la levée des protections contre l'éloignement pour motif d'ordre public dont bénéficient parfois les auteurs de délits, voire de crimes, ainsi que certains multirécidivistes.

Dans ce contexte, le Sénat a fait son travail et nous ferons le nôtre. Certaines dispositions adoptées par le Sénat méritent d'être approfondies, car elles vont dans le bon sens. Tel est notamment le cas de l'amélioration de l'encadrement du titre de séjour pour raisons de santé, du renforcement du contrôle caractère réel et sérieux des études justifiant la délivrance d'un visa étudiant et de la justification d'une connaissance minimale de la langue française pour bénéficier du regroupement familial.

D'autres modifications sont contestables sur le fond ou sur la forme. Tel est notamment le cas de la suppression de l'AME, qui constitue un colossal cavalier législatif. Le rapport à ce sujet commandé à MM. Patrick Stefanini et Claude Évin sera remis le 4 décembre. Il permettra d'éclairer le débat, voire de le prolonger. La dernière modification de l'AME a eu lieu dans le cadre d'un projet de loi de finances, à l'initiative de la ministre de la santé d'alors. Il s'agit à la fois d'une question de santé publique et d'une question budgétaire. Au demeurant, ce débat n'entre pas dans le cadre du projet de loi dont nous sommes saisis – peut-être sa place est-elle dans une campagne présidentielle –, pas davantage que celui sur la réforme des dispositions du code civil relatives à la nationalité.

Nous débattrons en revanche de la régularisation des travailleurs dans les métiers en tension, envisagée dans l'article 3 du texte initial comme ciblée et bornée dans le temps, en l'espèce au 31 décembre 2026. Peut-être pourrons-nous l'adapter. Je constate que la majorité sénatoriale, qui, il y a quelques jours, avait pour slogan « zéro régularisation », a finalement validé la nécessité, pour notre pays, d'une politique raisonnée de régularisations, dans l'intérêt de notre économie comme de l'intégration des personnes concernées. Je proposerai à notre commission, avec l'assentiment de la rapporteure Jacquier-Laforge, d'élaborer une solution à mi-chemin du droit automatique, général et absolu à la régularisation, qui soulève de réelles difficultés, et du recours au pouvoir discrétionnaire du préfet pour lequel a opté le Sénat.

S'agissant du renforcement du rôle du Parlement en matière migratoire et de la mise en œuvre d'une politique de quotas, le texte du Sénat se heurte à deux sérieux obstacles constitutionnels : aucun Parlement ne peut contraindre son futur ordre du jour ; le Parlement n'a pas pour rôle de déterminer les chiffres de l'immigration. Par conséquent, une réforme de la Constitution serait nécessaire. Certains la souhaitent ; nous aurons ce débat en séance publique.

En revanche, un débat sur les objectifs annuels d'immigration, sur la base des chiffres communiqués par le Gouvernement en matière de visas de travail et de visas étudiants, est envisageable. Au demeurant, il offrira à la majorité présidentielle l'occasion de rappeler ses ambitions. Je rappelle que l'immigration pour études est plus nombreuse que l'immigration pour motif familial – 108 000 titres de séjour délivrés, contre 90 000.

J'espère que nos débats seront non seulement de la plus grande courtoisie républicaine – je n'en doute pas –, mais aussi précis et exigeants. L'immigration est une question sensible et délicate, qui engage une part de notre avenir. Je veillerai, dans mon rôle, à la bonne tonalité de nos débats.

J'espère aussi que nous prendrons le temps d'accorder l'attention qu'ils méritent aux deux titres essentiels que sont les titres IV et V, relatifs respectivement à la réforme structurelle du système de l'asile et à la simplification des règles du contentieux relatif à l'entrée, au séjour et à l'éloignement des étrangers. L'actualité médiatique ne doit pas nous faire renoncer à accorder aux sujets exigeants l'attention qu'ils méritent.

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