S'il est une contravention à la qualité impersonnelle et générale de notre droit, c'est bien le dispositif de la dérogation inscrit dans la loi. En l'occurrence, la dérogation induite par cette proposition de loi visant à réduire les inégalités territoriales pour les ouvertures de casinos n'est audible que parce qu'elle offre une réponse salutaire aux deux communes de Saumur et d'Arnac-Pompadour visées par cette extension, et parce que cette exemption ciblée permettra d'appuyer les activités équestres qui les caractérisent.
En qualité de vice-présidente du groupe d'études sur le cheval, je tiens à saluer l'initiative qui aspire à appuyer le financement des activités et les infrastructures équestres de ces cités, à l'heure où celles-ci rencontrent tant de difficultés. L'audition de l'Institut français du cheval et de l'équitation, vendredi dernier, a achevé de me convaincre de la légitimité d'un fléchage du produit des jeux vers des activités qui non seulement participent à l'identité de ces communes, mais qui assurent également la sûreté de la filière sur le territoire. Le président du conseil d'administration de l'IFCE nous affirmait d'ailleurs que cette source de financement assurerait sa survie et permettrait même d'en développer les activités.
Pour cette raison, le groupe Rassemblement national souscrit au deuxième alinéa de cet article unique, qui vise tout spécialement les communes précitées.
Deux réserves, portant sur le troisième alinéa, ajouté par le Sénat, nous viennent cependant à l'esprit à la lecture de ce texte.
L'ouverture de la dérogation aux communes touristiques de départements frontaliers appartenant aux intercommunalités de plus de 100 000 habitants soulève quelques interrogations. En premier lieu, nous nous inquiétons à l'idée que l'installation d'un casino pourrait être un prétexte opportun pour l'État de se désengager des communes où s'établissent ces temples du jeu. Le prélèvement sur le produit brut des jeux au profit des collectivités territoriales, perçu par les communes, ne doit pas être une manne financière monopolistique, qui risquerait de créer une dépendance trop forte de l'échelon local envers son casino.
Dans l'éventualité où l'établissement viendrait à disparaître, qu'adviendra-t-il de la ville et de ses infrastructures ? Cette relation n'est d'ailleurs pas sans risques et les intérêts des collectivités doivent se voir mieux protégés à l'occasion de la délégation de service public. Dans son rapport public annuel de 2021, la Cour des comptes nous expliquait ainsi que, dans nombre de cas examinés, les collectivités ne disposaient pas de l'expertise juridique nécessaire pour l'élaboration de clauses qui, bien que non précisées aujourd'hui dans le code général des collectivités territoriales, paraissent pourtant essentielles pour cette délégation de service public. C'est là notre deuxième réserve sur ce texte.
Ces deux éléments doivent, selon nous, faire l'objet de la plus grande attention de la part des rapporteurs, notamment dans la perspective de la réflexion plus globale sur les critères permettant l'installation des casinos dans une commune que les rapporteurs du Sénat appellent de leurs vœux. Si cette proposition de loi constitue la première étape d'une telle ambition, il semble opportun de mettre en évidence dès à présent les risques inhérents à de telles installations qui, en dépit de la manne financière qu'elles semblent garantir, ne doivent pas être le lieu de nouvelles inquiétudes pour les communes.