Il y a quelques semaines encore, nous étions dubitatifs quant à l'arrivée à son terme de cette proposition de loi. Ce n'était pas tant les mesures qu'elle contenait qui nous laissaient perplexes, que le sens que vous leur donniez. Nous étions inquiets que la volonté des parlementaires du groupe Renaissance à l'origine de ce texte – Annie Vidal, Laurence Cristol, Astrid Panosyan-Bouvet –, celle de ne pas laisser en jachère la promesse faite par le président de la République dès 2017, n'aboutisse qu'à la tentative frustrée de faire quelque chose malgré tout.
Chacune des mesures, prise isolément, allait dans le bon sens, mais il manquait une vision globale – celle qu'aurait dû contenir la loi annoncée sur le grand âge.
Nous avons cependant joué le jeu et enrichi le texte. À cet égard, il faut vous remercier pour l'intégration d'une disposition facilitant le partage de données entre départements et CCAS – centres communaux d'action sociale – afin de mieux lutter contre l'isolement ; il faut également saluer l'amendement n° 1247 à l'initiative du Gouvernement, créant dans chaque département un service public territorial de l'autonomie.
Une inquiétude demeurait néanmoins : que cette proposition de loi fasse office de solde de tout compte, uniquement destiné à cocher la case d'un travail législatif sur le vieillissement. Nous nous y serions alors opposés.
Toutefois, le groupe Socialistes a choisi de vous faire confiance. Chat échaudé aurait pourtant pu craindre l'eau froide ! Après les promesses d'Emmanuel Macron, d'Édouard Philippe, d'Agnès Buzyn et d'Olivier Véran, nous aurions pu considérer qu'aucune concrétisation supplémentaire n'était à attendre de votre part.
Je suis un optimiste, d'autant plus que j'ai constaté votre volonté de voir le sujet avancer.
Je suis aussi un réaliste, un lucide. Vous avez annoncé une stratégie relative au bien vieillir. Celle-ci aborde l'ensemble des sujets mais, je vous le dis sincèrement, à l'image de cette proposition de loi, elle reste à l'état de préliminaires s'agissant de la lutte contre l'isolement, des mobilités, des moyens consacrés à la formation et au personnel des Ehpad, des services à domicile et de leur tarification, et de l'ambition de voir la ville avec un œil de vieux.
Ainsi, après les préliminaires, nous avons rendez-vous avec la loi sur le grand âge, pour laquelle nous sommes disponibles. Ce travail n'évacuera pas nos points de divergence, notamment sur la question centrale du financement, raison pour laquelle je réitère la recommandation qui vous a déjà été faite de lancer très vite une conférence du financement de la branche autonomie et, plus largement, de la politique du vieillissement et de la longévité. J'ajoute qu'il faut aussi très vite installer le comité interministériel de la longévité que vous avez annoncé et dont la création ne dépend pas de la loi. Une action interministérielle doit en effet avoir lieu sans attendre et en parallèle de celle que les parlementaires mèneront de manière transpartisane.
Voilà le cadre optimiste dans lequel nous nous inscrivons, ce qui ne m'empêche pas de préciser, non avec fermeté mais avec une certaine solennité, que nous comptons sur vous pour ne pas trahir l'esprit de notre accord de ce soir. Nous pourrons avoir des désaccords de fond, mais, si le ministre de l'économie et des finances indique d'emblée que la politique du vieillissement ne pourra compter sur aucun euro supplémentaire et notamment sur aucun prélèvement obligatoire supplémentaire ou redéploiement de cette nature, nous rencontrerons une difficulté. La lucidité oblige à dire qu'il faudra faire des choix.
Nous souhaitons que ce débat ait enfin lieu devant les Français et qu'il associe l'ensemble des personnes âgées ; l'ensemble des vieux comme certains d'eux aiment se désigner. « Rien pour les vieux sans les vieux », comme le dit le conseil national autoproclamé de la vieillesse.
Si ce cahier des charges est respecté, nous réussirons peut-être à faire quelque chose de beau, de grand. Ce serait inédit dans cette législature et si vous parvenez à produire ce compromis, madame la ministre, je serai le premier à vous applaudir. Nous serons vigilants et exigeants, à la hauteur des attentes de nos concitoyens, quel que soit leur âge.