Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 comptait initialement 49 articles. Après une lecture dans chacune des deux assemblées, 115 articles restent en discussion, 31 ayant été adoptés conformes. Cinq articles retenus par le Gouvernement à l'Assemblée nationale ont été supprimés et 52 ont été ajoutés par le Sénat.
Au-delà des statistiques, il se trouve que, si nous pouvons nous féliciter que les deux assemblées se soient rejointes sur de nombreux sujets, les divergences entre les deux textes adoptés sont, cette année encore, assez nombreuses.
Parmi les éléments de convergence, je voudrais d'abord saluer, comme je l'avais fait l'année dernière, la responsabilité dont le Sénat a fait preuve en rétablissant un certain nombre d'articles de la première partie indispensables au respect de la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale. D'autres dispositions témoignent du fait que l'Assemblée et le Sénat trouvent régulièrement des terrains d'entente, y compris sur les textes budgétaires. J'en évoquerai brièvement quelques-uns.
S'agissant des recettes et de l'équilibre général, le Sénat a complété l'article adopté à l'initiative de nos collègues Jean-René Cazeneuve et Marc Ferracci, afin d'encadrer le gel des bandeaux famille et maladie, qui rapportera, dès 2024, 600 millions à la sécurité sociale.
S'agissant de la santé et de la prévention, je me réjouis de l'adoption conforme des articles 18 et 19, qui portent respectivement sur la gratuité des préservatifs pour les moins de 26 ans et le remboursement, sous certaines conditions, des protections menstruelles réutilisables pour les femmes de moins de 26 ans et les bénéficiaires de la complémentaire de santé solidaire, de l'article relatif au dépistage systématique du cytomégalovirus chez la femme enceinte – qui me tient à cœur – et de l'article 24 portant sur la régulation de la permanence des soins dentaires.
S'agissant de l'autonomie, je note les modifications apportées à l'article 37 et la transformation de la fusion des sections, optionnelle, en une expérimentation. Je relève également l'insertion d'un article prévoyant le versement par la CNSA d'un complément financier de 150 millions d'euros aux départements au titre des concours d'APA. Par ailleurs, en ce jour de DuoDay où Pauline, membre du conseil municipal des enfants et des jeunes de Saint-Cyr-en-Val m'accompagne – je la salue, car elle est ici présente –, je tiens à réaffirmer notre engagement en faveur de l'autonomie et des personnes en situation de handicap dont atteste le PLFSS pour 2024.
Ainsi, je me réjouis de la création d'un service de repérage et d'intervention précoce pour les enfants de moins de 6 ans présentant des troubles du développement ou encore de la prise en charge à 100 % du coût des fauteuils roulants, qu'ils soient manuels ou électriques. Ces mesures témoignent de l'engagement de notre majorité en faveur de la prévention.
S'agissant de la branche vieillesse, je me réjouis que le Sénat ait complété le texte, dans le prolongement des travaux des députés, pour tirer certaines conséquences de la réforme des retraites d'avril dernier, notamment en ce qui concerne la surcote parentale et la prise en compte des trimestres validés en tant que parent au foyer ou proche aidant dans le calcul des minima de pension.
Ces points d'accord, réels et importants, ne suffisent cependant pas à masquer des divergences sur des sujets pourtant essentiels, divergences sur lesquelles notre commission est revenue.
S'agissant des recettes et de l'équilibre général, les sénateurs ont supprimé l'article 6, qui prévoyait notamment la mise en place d'un précompte des cotisations dues par les utilisateurs de plateformes numériques. Cette mesure de simplification devrait pourtant nous permettre de sécuriser le recouvrement de ces cotisations, qui font l'objet d'importantes sous-déclarations, à l'origine de 175 millions d'euros de cotisations éludées par la sécurité sociale chaque année. Il s'agit également d'une mesure de progrès pour les microentrepreneurs qui utilisent ces plateformes, car la sous-déclaration des cotisations minore l'accès à certains droits sociaux, en particulier en matière de retraite.
À l'article 9, les sénateurs ont supprimé l'accroche légale permettant à l'Agirc-Arrco, dans un cadre conventionnel, de tirer les conséquences financières de la fermeture des régimes spéciaux, empêchant ainsi de récupérer les bénéfices de la réforme des retraites.
À l'article 10, le Sénat a adopté un transfert de taxe sur les salaires de la branche maladie vers la branche famille pour un montant de 2 milliards d'euros, correspondant notamment au transfert à la branche famille du financement des indemnités journalières versées pendant le congé maternité, adopté dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2023. C'est la raison pour laquelle la commission a proposé le rétablissement de la version adoptée à l'Assemblée nationale tout en affectant à la branche vieillesse les économies liées au gel du bandeau famille, à hauteur de 100 millions d'euros pour l'année 2024.
Les sénateurs ont par ailleurs supprimé la possibilité pour l'État de récupérer une partie des sommes versées en compensation des allégements généraux à l'Unedic. La version adoptée par le Sénat ampute ainsi chaque année le budget de l'État d'un montant compris entre 2 et 3,5 milliards qui, je le rappelle, doit permettre le renforcement des politiques de l'emploi et donc, à terme, une augmentation des ressources de la sécurité sociale. Cette possibilité intervient dans un contexte où l'assurance chômage connaît des excédents structurels liés aux réformes menées par notre majorité et le Gouvernement.
Je déplore également la suppression de l'article 16 portant approbation du rapport annexé, qui présente la trajectoire financière des régimes de base et l'Ondam pour les quatre années à venir. En responsabilité, la commission a rétabli l'article 43 relatif à l'Ondam pour 2024, fixé à 254,9 milliards.
Je rappelle que l'Ondam est en hausse de 3,2 % par rapport à l'objectif rectifié pour 2023, hors dépenses de crise. Cela représente, à champ constant, une augmentation de 8 milliards d'euros par rapport à 2023, et de plus de 54 milliards d'euros par rapport à 2019 !
En ce qui concerne la santé et la prévention, le Sénat a voulu reporter à 2028, après une phase expérimentale, l'application de la réforme du financement des activités de médecine, chirurgie et obstétrique (MCO), pourtant primordiale car elle permettra d'assurer un financement plus juste et plus adapté aux hôpitaux – les maternités en particulier.
L'article 20 sur les rendez-vous de prévention – dont nous souhaitons l'organisation la plus rapide possible – a été rendu plus complexe.
Je ne partage pas non plus plusieurs des modifications proposées à l'article 27 sur la lutte contre les arrêts de travail injustifiés et, à l'article 28, sur l'encadrement de la téléconsultation.
Pour ce qui est de la branche accidents du travail-maladies professionnelles, je ne peux que m'opposer à la réduction à 1 milliard d'euros du montant, fixé à 1,2 milliard, du transfert vers la branche maladie au titre de la sous-déclaration des AT-MP.
En conclusion, je tiens à saluer le travail de la commission des affaires sociales qui est revenue à la substance du texte retenu par le Gouvernement en première lecture, tout en gardant les mesures importantes votées par le Sénat. Je remercie par ailleurs les administrateurs de l'Assemblée ainsi que nos collaborateurs qui ont réussi à travailler sur un très grand nombre d'amendements en un temps réduit. Je forme désormais le vœu que l'Assemblée, en responsabilité, garde l'esprit de cohérence et d'équilibre qui a présidé à nos travaux hier en commission.