Aucune société ne se rêve un grand dessein et n'a une haute idée d'elle-même et de son rôle dans la vie intellectuelle du monde si elle néglige ses universités. Depuis la fondation de l'université de Paris au XIIe siècle jusqu'aux soixante-seize prix Nobel engrangés par la France, notre pays peut être fier d'être un pôle universitaire majeur de l'Europe. L'université est un espace privilégié d'émancipation des jeunes personnes ; elle leur permet, par l'acquisition de savoirs, de questionner les références sociales, culturelles et religieuses de leur milieu d'origine et, ainsi, de devenir des citoyens éclairés. Le rôle de l'université dans le débat démocratique d'un pays est essentiel, puisqu'elle doit permettre aux étudiants une insertion réussie sur le marché du travail. Une université qui ne forme pas correctement au monde de l'emploi et qui envoie ses jeunes dans des filières sans débouchés est une machine à créer du ressentiment.
Pour que ces belles paroles soient des réalités, nos universités ont besoin de moyens. La France accorde-t-elle des moyens importants à ses universités et à ses grandes écoles ? La réponse est oui. Les 32 milliards de la mission interministérielle Recherche et enseignement supérieur représentent beaucoup d'argent. Ces crédits augmentent depuis 2017 et ils seront encore en hausse en 2024, par rapport à 2023. C'est la raison pour laquelle je vous appelle à voter les crédits de cette mission. Mais est-ce suffisant pour que la France demeure une nation universitaire de premier rang ? J'en doute. Le gouvernement actuel a rectifié le tir, comme sur nombre d'autres politiques, mais le mal est ancien et profond.
Depuis des décennies, la France néglige son université et notre société ne se donne pas les moyens d'un rayonnement intellectuel à la hauteur de ses ambitions. En témoigne la sous-rémunération des enseignants français. Du maître d'école jusqu'au professeur des universités, nos enseignants ne sont pas suffisamment payés, au regard de leur niveau de qualification et surtout de leur importance dans la vie de la nation. Notre société accepte que des enseignants-chercheurs ne puissent même plus se loger dans la ville où ils enseignent ; elle accepte qu'ils travaillent dans des bureaux indignes de leur rang ; elle accepte que leur train de vie ne soit absolument pas à la mesure de leur excellence. Quand je vois cela, je me dis que la France prépare mal son avenir. Notre société accepte que des docteurs brillants aient comme horizon, en début de carrière, une vie de quasi-smicard. Quand je vois cela, je me dis que la France se trompe. La manière dont notre pays traite ses enseignants et ses chercheurs est aussi révoltante qu'inquiétante. Ce ne sont pas les footballeurs et les influenceurs gavés d'argent facile qui bâtiront l'avenir de la France, mais bien ses professeurs et ses docteurs.
Selon l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), notre effort national en matière universitaire est dans la moyenne des pays riches : il est donc moyen, et j'aurais même tendance à dire qu'il est médiocre. Avec 1,5 % de notre PIB consacré à l'enseignement supérieur, nous sommes loin derrière les États-Unis, le Canada et le Royaume-Uni, qui lui consacrent 2 %, voire plus. La dépense par étudiant est même en recul, en raison d'un accroissement plus rapide du nombre d'étudiants que des moyens affectés.
Dans un contexte marqué par l'inflation, la hausse des effectifs et des contraintes budgétaires évidentes, le budget pour 2024 aura cependant mon soutien. Je me félicite notamment de la pérennisation du repas à 1 euro pour les étudiants boursiers précaires, de la poursuite des rénovations des cités universitaires du centre régional des œuvres universitaires et scolaires (Crous) et des efforts pour l'attractivité des carrières scientifiques, en cohérence avec la loi de programmation de la recherche (LPR) votée en 2020. Dans le cadre du rétablissement des finances publiques, la ministre de l'enseignement supérieur a demandé un effort aux universités, s'agissant de la compensation de la revalorisation du point d'indice des fonctionnaires et des fonds de roulement des opérateurs. De tels efforts ne pourront cependant devenir la règle. Je proposerai donc un amendement demandant au Gouvernement de préciser l'opportunité d'assurer la compensation intégrale et systématique des mesures de revalorisation de la rémunération des agents publics qui ont une incidence sur les dépenses de personnel des opérateurs du programme 150 Formations supérieures et recherche universitaire.